samedi 9 février 2013

Bobard

Il était une fois un fermier. Il était marié depuis quarante ans. Un jour, il bavardait avec sa femme de choses et d'autres et ils se dirent qu'il était quand même très curieux qu'ils n'aient pas d'enfant. Le fermier dit à sa femme:
«-Ne sois pas triste, ça n'en vaut pas la peine, nous pourrons encore avoir un enfant, nous aussi».
«-Ah, ça non! Je n'y crois plus! J'avais vingt ans quand je t'ai épousé. Nous vivons ensemble depuis quarante ans, aujourd'hui j'en ai donc soixante. J'ai fait mon temps, je n'aurai plus jamais d'enfant. Et si par hasard nous en avions un, comment s'appellerait-il?» dit la femme.
«-Baptisons-le Bobard, peu importe, pourvu que nous en ayons un», répondit le fermier.

Un beau jour, la femme dit au fermier:
«Ça alors, mon vieux, nous avons tant parlé de cet enfant, que ça y est, je suis sûre et certaine que je vais en avoir un».
«-C'est bien, ma femme! Comme ça nous aurons quelqu'un qui prendra soin de nous!» répondit le fermier.

Peu de temps après, un beau garçon vint au monde. Ses parents l'appelèrent Bobard.
Quand il eut vingt ans, il décida de s'engager dans l'armée. Il servit quelques années et après sa démobilisation, il rentra à la maison. Ses parents étaient ravis d'accueillir leur fils qui était devenu un bel homme, très adroit de ses mains.
«-Alors, fiston, tu as beaucoup voyagé pendant ton service militaire, tu as sûrement des choses à nous raconter!» dit le fermier.
«-Oui, je peux vous raconter des histoires que personne n'a jamais entendues dire! Mais je ne vous raconterai que ce que j'ai vu de mes propres yeux!» répondit le fils.

«-Quand nous sommes arrivés au royaume des géants, c’est avec étonnement que nous avons vu un homme si grand que le son de sa voix ne parvenait pas à nos oreilles. Nous n'avons donc pas compris ses paroles à cause de la distance, pourtant il parlait tellement fort que la terre tremblait sous nos pieds.

J'ai vu un enfant de trois ans qui était si grand qu'ici, chez nous, en se tenant debout, il serait capable de cueillir les pommes au faîte du pommier le plus haut.


J'ai vu un arbre atteignant le ciel. Puisqu'il ne pouvait pas pousser plus haut, ses branches s'écartaient d'une lieue1 sous le ciel. Il y avait dans ce pays une rivière dont la profondeur n'a jamais pu être mesurée. Un jour, un plongeur y descendit, et resta trois ans dans l'eau. Quand il en sortit, il dit qu'il avait rencontré un être merveilleux qui lui posa des questions pour savoir pourquoi il était dans l'eau et quelles étaient ses intentions. Quand il comprit ce que le plongeur cherchait à faire, il lui dit que même s'il descendait encore pendant trois ans vers le fond, il ne l'atteindrait pas. Dans un pays, j'ai même vu un oiseau dont les ailes déployées mesuraient vingt-neuf toises2.

J'ai vu un serpent qui était plus gros que n'importe quelle tour dans notre pays. Il était si long qu'il aurait pu entourer trois de nos villages.

J'ai vu un œuf de pinson qui, en plus de sa grande taille, avait une coquille si épaisse que douze forgerons la frappèrent à coups de marteau sans relâche pendant douze ans. Enfin, quand ils réussirent à casser la coquille, l'un des douze forgerons laissa échapper son marteau. Il dut y descendre avec une échelle et le chercha pendant trois mois. Finalement, il le retrouva grâce à un gardien de troupeau qu'il rencontra dans la coquille.

J'ai vu des maisons immenses dans lesquelles les habitants de trois comitats pourraient être logés.

J'ai vu une casserole qui pouvait contenir mille cinq cent soixante litres.

J'ai vu un cheval qui était si grand qu'il fallait vingt-cinq échelles pour grimper sur son dos. Il portait autour de son cou une clochette dont le son s'entendait à vingt lieues1. J'ai vu, autour du cou d'un autre cheval, une sonnaille en fonte pesant trente-six tonnes. Malgré son poids, le cheval ne sentait même pas qu'il portait quelque chose autour de son cou.

J'ai vu dans une tour une cloche qui donnait les premiers sons trois semaines après avoir été sonnée. Elle sonnait tellement fort qu'après chaque son une nouvelle montagne s'effondrait.

J'ai vu un tailleur qui avait à faire un travail délicat. Pourtant, son aiguille la plus petite était aussi grande que le plus grand hêtre de nos hautes montagnes.

J'ai vu une souris aussi grande qu'un gros porc. Dans une des rivières d'une profondeur insondable, j'ai vu un poisson qui portait sur son dos un navire de guerre muni de cent vingt canons.

J'ai vu un chat aussi grand qu'un bouvillon de cinq ans.

J'ai vu un lévrier qui avait des pattes si longues qu'il aurait pu sauter d'un bond par dessus un comitat.

J'ai vu un têtard dont le dos était si large qu'une charrette de foin tirée par quatre bœufs aurait pu faire un demi-tour sur son dos.

J'ai vu un bûcheron géant. Nous pesâmes sa hache, elle faisait soixante tonnes. Un autre géant écrivait dans sa maison, son encrier était aussi grand qu'un tonneau de cent litres. Sa plume était aussi haute que l'arbre d'un mât dans notre pays.

Dans une cave j'ai vu un tonneau de vin contenant mille trois cent cinquante-six litres.


J'ai vu une paire de bottes faites avec la peau de trente bœufs. Cependant, les bottes ne servaient à rien parce que la personne, pour qui elles étaient faites, ne rentrait pas dedans.

J'ai vu un chapeau noir fait de la peau de cinquante agneaux pour un jeune géant de douze ans. Par malheur, six mois plus tard, sa tête n'y rentrait plus, il lui fallait vendre le chapeau.

J'ai vu un pain rond aussi grand qu'une meule de dix-huit mille gerbes.

Après avoir quitté le royaume des géants, je vis pas mal d'autres choses ailleurs, mais maintenant je vais passer cela sous silence. Je ne vous raconte plus que la naissance du fils d'un forgeron dans une ville très lointaine. Nous avions le gîte et le couvert chez lui quand son fils vint au monde, un marteau à la main. Une heure après sa naissance, il était assis et forgeait le fer sur l'enclume».

«-Assez, assez, ne dis plus rien, fiston, dit le père, tu en as déjà dit beaucoup. Il n'existe pas au monde un seul fou qui croirait tout ce que tu viens de nous raconter.»

«-Alors, mon cher Père, dit le fils, si vous ne me croyez pas, vérifiez par vous-même. Ce n’est pas pour rien que vous m’avez baptisé Bobard!»


1 Une lieue correspond environ à 1600 mètres
2 Une toise correspond à un peu moins de 2 mètres

4 commentaires:

  1. köszönöm asszonyom
    A cimet kerestem és itt tartottam:
    http://mek.oszk.hu/00200/00237/00237.htm#22
    "HÁROM HAZUG MESE" ez, hanem csak elsô részt
    Ti rendeben ?

    Merci Madame
    J'ai cherché le titre et je l'ai trouvé ici:
    http://mek.oszk.hu/00200/00237/00237.htm#22
    C'est "Le conte de trois bobards", mais seulement la 1ère partie
    êtes-vous d'accord ?

    RépondreSupprimer
  2. J'adore vos histoires Andrea Molnàr. Elles sont si bien écrites. Bravo !! Je n'ai que 10 ans mais je lis vos histoires chaque jours avant de m'endormir. Voulez vous bien me répondre sil vous plait. Je m'appelle Marie.

    RépondreSupprimer
  3. Bonsoir Marie,je suis contente que tu sois devenue ma fidele lectrice! je te promets que tu pourras encore lire beaucoup de jolis contes!

    RépondreSupprimer