vendredi 27 décembre 2013

La bride enchantée

Conte imaginé par Endre Stankowsky


Il était une fois un jeune gardien de chevaux. Il avait si grand appétit qu'il était capable de manger soixante-six boulettes sans avoir besoin de desserrer sa ceinture. Sa force physique fut semblable à son appétit parce qu'il pouvait soulever un cheval de sept ans si l'occasion se présentait.
Quand le jeune homme dépassa ses vingt-sept ans, il dit à son père:

«Ecoutez mon cher Père, il serait grand temps d'aller chercher une fiancée.»

Le vieux gardien de chevaux approuva le projet de son fils et lui dit adieu. Le jeune homme se mit en route à pied. A peine fit-il un bout de chemin, qu'il aperçut dans un champ un cheval se bagarrant avec un loup. Il ne se le fit pas dire deux fois, il sortit son fouet de lanières qu'il fit claquer si bruyamment sur le loup que celui-ci s'allongea par terre immédiatement. A ce moment-là le cheval se tourna vers le jeune homme et dit:

«Tu m'as débarrassé de mon plus grand ennemi, le roi des loups. C'est mon tour de t'aider. Je sais où tu veux aller. Ton parcours s'annonce difficile. Ta future fiancée habite loin d'ici, au delà de la rivière d'acier derrière la montagne de confiture dans la maison d'une sorcière. Enlève ma bride et mets-la dans ta besace. Si tu jettes cette bride à quelqu'un, il ira à toute vitesse jusqu'à ce que tu lui ordonnes de s'arrêter.»

Le jeune homme fit ainsi. Il tapa amicalement sur le cou du cheval et lui dit adieu.

Il était en route depuis plus de six mois quand il arriva à la rivière d'acier.

«Que va-t-il se passer?» se dit-il en se grattant la tête.

Il était complètement affligé quand un grand poisson, gueule ouverte, apparut dans la rivière.

«Va-t'en d'ici, sinon, je vais t'enfourner tout de suite.»

Yantchi parce qu'il s'appelait comme ça, ne se le fit pas dire deux fois, il sortit la bride et la jeta sur la tête du poisson. Alors, voyez le miracle! Le poisson était apprivoisé et devint doux comme un agneau. Il proposa à Yantchi de s'asseoir sur son dos pour l'emmener sur la rive d'en face.

Yantchi se mit immédiatement sur le dos du poisson qui traversa vite la rivière d'acier. Quand ils arrivèrent, Yantchi ôta la bride et sauta sur la berge.

Deux jours plus tard, Yantchi glissa sur le versant de la montagne de confiture, ses bottes s'enfonçaient partout où il mettait les pieds.

«J'aurai de gros soucis ici», se dit-il.

Subitement il s'aperçut que derrière la montagne un dragon ailé agitait sa mâchoire et regardait vers lui. Il n'hésita pas beaucoup, il sortit la bride et il se retrouva instantanément sur le dos du dragon qui galopa si vite avec Yantchi que celui-ci entendait siffler le vent dans ses oreilles.

La maison de la sorcière était au milieu d'une forêt très épaisse. Quand elle vit arriver Yantchi, elle sortit de sa maison. Ses cheveux ressemblaient à un tas de foin, ses oreilles à un éventail, son nez descendait jusqu'à sa poitrine.
Elle croassa comme un corbeau. Elle cria comme une crécerelle. Yantchi fut convaincu que leur rencontre se terminera mal mais à l'aide de sa bride miraculeuse, il sauta sur le dos de la sorcière et la poussa pendant sept jours et sept nuits dans la forêt.

Au bout du septième jour, la sorcière s'écroula. Sa peau se fendit et une merveilleuse fille s'en sortit.

Yantchi s'en réjouit, surtout quand la belle lui dit:

«Je te remercie de m'avoir libérée. Une méchante sorcière m'a enchantée et m'a obligée à apparaître et à vivre sous la forme d'une sorcière. Qui sait combien de temps j'aurais souffert si tu ne m'en avais pas délivrée. Maintenant seule la mort nous séparera.»

Yantchi ne se le fit pas dire deux fois. Il appela le cheval magique, lui posa sa bride miraculeuse, et hop-là! Ils furent à la maison.

Ils y vécurent heureux.

   


vendredi 20 décembre 2013

Les fous




Conte imaginé par Andrea Kopacz
Il était une fois dans une lointaine contrée deux bergers. Le jeune berger dit un jour au vieux berger:

«Allons au village, je voudrais me marier.
-As-tu déjà une fiancée?» demanda le vieux berger.
«Je n’ai pas encore, mais j’en aurai», répondit le jeune homme.

Bien, ils arrivèrent dans le village et demandèrent aux gens, ici et là, dans quelle maison il y aurait une fille à épouser. Enfin, un villageois leur indiqua le chemin d’une ferme.
Ils entèrent dans la maison et firent la connaissance du fermier, de sa femme et de sa fille. Le vieux berger raconta ce qui les amenait. Finalement, le fermier et sa femme ne s’opposèrent pas à l’idée du mariage de leur fille et du jeune berger: la fille était bonne à marier, le jeune homme était adroit de ses mains, ils étaient donc faits l’un pour l’autre.
Les deux bergers s’assirent autour de la table. Le fermier envoya sa fille à la cave chercher une bouteille de vin. Elle y trouva une hachette qu’elle prit en mains et en la regardant de tous les côtés elle se sentit tout à coup affligée et se mit à soupirer.

«Mon Dieu, mon Dieu, si je me marie, j'aurai un petit garçon. Il s'appellera Clément et il aura un manteau en peau de mouton retournée et brodée. Si un jour ce petit Clément descend à la cave et trouve cette hachette, si tout à fait par hasard il se coupe, il va mourir. A qui reviendra ce manteau?»

Elle commença à pleurer à chaudes larmes ce qui lui fendit le coeur. Pendant ce temps, son père brûlait d'impatience. Il descendit donc lui aussi à la cave pour voir sa fille.

«Qu'est-ce qui t'arrive? Pourquoi pleures-tu?» demanda-t-il.

Sa fille lui raconta en pleurant à quoi elle pensait. Son père la consola en vain. Elle continua à pleurer à chaudes larmes et elle ne voulait pas remonter.
La mère suivit sa fille dans la cave. Celle-ci raconta à quoi elle pensait. Le vieux berger descendit suivi du fiancé. La fille leur raconta son histoire.

«Mon Dieu, mon Dieu, si un jour ce petit Clément décède, à qui reviendra le manteau?» dit-elle.

Le vieux berger dit au fiancé:

«Alors mon fils, je te conseille de trouver trois fous identiques avant d'épouser cette fille.
-Je vais suivre bien volontiers votre conseil», répondit le jeune berger.

Sur ce, ils laissèrent la fille seule dans la cave. Le vieux berger rentra chez lui, le jeune partit pour trouver des fous. Il marcha, chemina jusqu’à ce qu’il arrive dans un village. Il s’arrêta dans la cour d’une maison, et il vit qu’un homme jetait des noix dans le grenier avec une fourche en fer.

«Que faites-vous, vous là?» demanda-t-il.
«Ne m’en parlez pas ! Depuis trois ans j’essaie de jeter ces noix au grenier, mais je n’y arrive pas!» répondit l’homme.
«Eh bien alors, se dit le jeune homme, j’ai déjà trouvé un fou.»

Il demanda un sac à l’homme puis il ramassa les noix et les mit dedans. Après être monté avec le sac au grenier, il redescendit, et il continua son chemin.
Il marcha, chemina jusqu’à ce qu’il voie une femme dans une cour. Elle était en train de filer la laine en ayant attaché le mouton à son rouet. Le jeune l’interpella ainsi:

«Que faites-vous, vous là?»
«Je file la laine, mon garçon!» répondit la femme.
«Mais ce n’est pas comme ça qu’il faut faire, ma pauvre dame», répondit le jeune homme.

Il le lui montra tout de suite. Quand il eut fini de tondre la laine sur le dos du mouton, il dit à la femme:

«Maintenant, il faut laver la laine et quand elle sera sèche, vous devrez la carder, ensuite vous pourrez l’attacher au rouet.»

Sur ce, il quitta la femme et en sortant de la cour, il se dit avec satisfaction:«j’ai trouvé le deuxième fou.»

Il continua son chemin. Il arriva dans un village où les gens étaient en train de construire une église sans fenêtre. Le juge ordonna aux villageois d’apporter de la lumière dans l’église. Tout le village s’y appliqua, même les plus petits. Ils arrivèrent avec des sacs dont les ouvertures étaient tournées vers le soleil. Quand ils pensèrent que les sacs étaient pleins de lumière, ils les fermèrent rapidement et coururent avec les sacs jusqu’à l’église. Là-bas, ils les ouvrirent pour laisser sortir la lumière.

«Alors ça, c’est génial! J’ai trouvé le troisième fou, j’en ai même plus que trois!» se dit le jeune berger.

Il apprit aux gens à faire une fenêtre pour avoir de la lumière. Quand il eut fini, il fit demi-tour et alla voir sa fiancée. Le jour même ils donnèrent un grand repas de noces.

L’histoire est finie, sauve-toi avec!


Collecte d’Elek Benedek



vendredi 13 décembre 2013

Jésus, Saint Pierre et les charpentiers


Source: pix.ie
Jésus Christ et Saint Pierre arrivèrent tard le soir dans une ville. Ils entrèrent dans une auberge où il n’y avait que des chambres à cinq lits. Quatre lits étaient déjà pris par quatre charpentiers qui chantaient et dansaient dans le restaurant de l’auberge. Ivres, ils tapaient sur la table avec des bâtons. L’aubergiste proposa le cinquième lit à Jésus et à Saint Pierre.
Pendant le dîner, Pierre en eut vite assez de la débauche des charpentiers et dit à Jésus:

«Montons dans notre chambre, n’écoutons plus ce vacarme!
D’accord! Allons-y!» acquiesça Jésus.

Quand ils montèrent dans leur chambre, Saint Pierre dit à Jésus:

«Mettez-vous près du mur pour ne pas entendre ce chahut. Moi, je supporterai mieux être à l’extérieur.»

A peine s’endormirent-ils que les charpentiers entrèrent dans la chambre et continuèrent leur fête. Celui qui avait les mailloches en bois, s’approcha du lit et commença à taper sur le côté de Saint Pierre qui se retourna. Le charpentier tapa alors sur l’autre côté. Saint Pierre n’en pouvant plus, secoua Jésus et lui dit:

«Changeons de place, il se peut que vous soyez trop coincé contre le mur!
D’accord, changeons de place!» répondit Jésus.

Quand le changement fut fait, le joueur de cymbalum dit:

«Donnons un coup à celui qui est près du mur car jusqu’ici l’autre est le seul à en avoir reçu.»

vendredi 6 décembre 2013

Le domestique coupable

Source : hesykhia.blog.hu 
Il était une fois un seigneur qui avait un serviteur. Celui-ci était depuis sept ans déjà à son service.
Un jour le domestique frappa à la porte du seigneur et demanda son salaire.

Le seigneur répondit:

«Comment? Que c'est moi qui paie quand c'est toi qui me dois de l'argent!»

Il dénigra avec une telle ferveur le domestique que celui-ci resta encore sept ans. La pauvre domestique était tellement déguenillé que ses chaussettes étaient en lambeaux.

Sept ans de service passèrent. Il frappa à nouveau à la porte du seigneur et demanda son salaire car il voulut se retirer.

Le seigneur lui dit:

«Tu ne peux pas quitter ton service tant que tu as des dettes.»

Et le domestique resta encore sept ans. A la fin de la septième année il alla revoir et dit:

«Je demande mon salaire, j'ai passé suffisamment de temps à votre service.
«Tant pis, dit le seigneur, va-t'en mais tu me dois encore d'après ton ancienneté.»

Le domestique sortit et pensa à mettre le feu chez le seigneur. A ce moment un vieil homme croisa son chemin et lui dit:

«Qu'est-ce que tu mijotes, mon fils?»

Le serviteur répondit:

«Je pense, cher monsieur que j'étais au service du seigneur pendant vingt-et-un ans et il ne m'a jamais donné ma rémunération. Je vais incendier tout ce qu'il a.»

Le vieillard répondit:

«Ne mets pas le feu aux biens du seigneur car c'est toi qui as l'amour du bon Dieu pas le seigneur. Si tu mets le feu à sa maison, le bon Dieu ne t'aimera plus.»

Le serviteur répondit:

«Bien, j'irai le faire quand même.»

Le vieillard dit:

«Quand tu mettras le feu, regarde derrière toi. Ensuite viens me voir pour me raconter ce que tu as vu.»

A midi pile, la propriété du seigneur prit feu. Le seigneur était en train de déjeuner  avec sa femme et sa fille. Au-dessus des flammes, trois pigeons volèrent, et on vit aussi un pilier chauffé au rouge avec une chaîne. Un homme était attaché au pilier avec la chaîne.

Le serviteur alla voir le vieillard et lui raconta ce qu'il avait vu.

Le vieil lui dit:

«Le pilier c'est toi, les trois pigeons c'est ton seigneur et sa famille.»

Ainsi dit, le vieil homme s'en alla, la terre s'ouvrit et le serviteur tomba dedans.


(Conte transylvain)

vendredi 29 novembre 2013

La punition de la mouche



Armoiries de Ràtot
Une réunion importante se tenait à la Maison communale de Rátót1. Une mouche insolente ne cessait de se poser sur le nez du juge du village. Agacé, il se mit en colère, et les supérieurs hiérarchiques décidèrent de punir immédiatement la mouche. 

« Pendons-la! - proposa l'un. - Abattons-la! - cria un autre. - Jetons-la depuis la Tour! », conseilla un troisième. 

Ils attrapèrent la mouche, ils montèrent tous avec elle en haut de la tour et ils la jetèrent. La mouche s'envola et elle vit encore aujourd'hui si elle n'est pas morte entretemps. 


 1 Village du comitat de Vas en Hongrie

vendredi 22 novembre 2013

Le père adoptif

Tableau de Cecilia Papp 


Il était une fois trois frères. Ils étaient orphelins, ils avaient perdu leur père et leur mère depuis longtemps. Ils n'avaient rien, ni une maison, ni un lopin de terre. Un jour, ils décidèrent de partir travailler comme serviteurs. Sur le chemin, un vieil homme avec une barbe blanche, arriva en face d'eux:

«Où allez-vous, mes enfants?» demanda-t-il.
«Nous partons chercher quelqu'un qui nous prendrait à son service», répondirent-ils.
«Pourquoi? Vous-mêmes, vous n'avez pas de terre à cultiver?» demanda le vieil homme.
«Non, nous n'avons rien. Mais si un brave homme nous engageait, nous serions ses fidèles serviteurs. Nous serions très obéissants, nous le respecterions comme s'il était notre propre père» répondirent-ils.

Le vieil homme dit:

«D'accord. Si cela vous convient, soyez mes fils, et moi, je serai votre père. Si vous m'obéissez, je ferai de vous des hommes, je vous apprendrai à vivre afin que vous soyez toujours fidèles à la justice.»

Les trois frères acceptèrent la proposition du vieil homme et ils partirent tous ensemble. Ils allèrent par monts et par vaux quand ils aperçurent une petite maison blanche dans une clairière. De jolies fleurs et des cerisiers entouraient la petite maison. Une jeune fille sortit de la maison. Elle était belle comme une rose. Le frère aîné lui jeta un coup d'oeil et dit:

«Oh, si seulement je pouvais épouser cette belle fille et j'avais beaucoup de boeufs et de vaches!»

Le vieil homme répondit vivement:

«D'accord, mon fils. Donnons un grand repas de noces! Tu auras la fille et tu auras des boeufs et des vaches aussi. Sois heureux mais n'oublie jamais la justice!»

Le frère aîné demanda la fille en mariage et ils donnèrent un grand repas de noces. L'aîné devint le maître de la maison. Il resta là à cultiver la terre et à gérer la propriété.
Le vieil homme continua son chemin avec les deux autres frères. Ils arrivèrent de nouveau devant une belle maison. Près d'elle, se trouvaient un moulin et un petit étang. Une belle fille s'activait dans le jardin. Le frère cadet lui jeta un coup d'oeil et dit:

«Pourvu que je puisse épouser cette jeune fille! J'aurais de plus, un moulin et un étang. Je ferai du pain moi-même jusqu'à la fin de ma vie!»

Le vieil homme répondit vivement:

«D'accord, mon fils. Comme tu veux!»

Ils entrèrent dans la maison, demandèrent la fille en mariage. Ils donnèrent un grand banquet de noces. Avant de quitter les jeunes mariés, le vieil homme dit:

«Eh bien mon fils, sois heureux mais n'oublie pas la justice!»

Ils n'avaient plus qu'à continuer la route, le vieil homme et le benjamin. Ils marchèrent, cheminèrent jusqu'à ce qu'ils aperçoivent une petite maison en piteux état. Une très belle fille en sortit. Elle était aussi belle qu'une étoile mais aussi pauvre qu'un rat d'église. Le benjamin soupira ainsi:

«Si je pouvais l'épouser, nous travaillerions ensemble, nous aurions du pain, mais nous n'oublierions pas les pauvres gens: nous aurions de quoi manger, et nous leur en donnerions, à eux aussi.»

Le vieil homme répondit:

«Très bien, mon fils. Ce sera ainsi. Mais n'oublie jamais la justice!»

Le vieil homme maria le benjamin et il partit dans le vaste monde. Le temps passa. Les trois frères vivaient en paix. L'aîné devint si riche qu'il se fit construire plusieurs maisons, il mit de côté de grandes quantités de roubles et il n'avait qu'une idée en tête: comment en gagner plus. Il ne pensa jamais à aider les pauvres, il était trop avare pour cela. Le frère cadet s'enrichit également. Des valets de ferme travaillaient à sa place, il n'avait qu'à se  dorer au soleil, manger, boire et donner des ordres. Par contre, le benjamin partageait tout ce qu'il avait  avec les autres.

Le vieil homme alla dans plusieurs pays du monde. Un beau jour il revint pour voir comment vivaient ses fils et pour savoir s'ils restaient fidèles à la justice. Il alla chez son fils aîné vêtu comme un pauvre en guenilles. Quand il arriva, son fils se promenait dans la cour. Il s'inclina devant lui et dit:

«Aie pitié de moi, donne-moi l'aumône!
-Et quoi encore! Tu n'es pas encore si vieux, si tu veux, vas donc travailler. Moi-même je viens de m'en sortir ainsi!» répondit l'aîné ne reconnaissant pas son père adoptif.

Il avait bien des maisons en pierre, des meules, des silos à grains, des réserves pleines de bonne nourriture et évidemment, beaucoup d'argent... mais il ne lui fit pas la charité... le vieil homme s'en alla, il fit environ mille pas, il s'arrêta, regarda en arrière la maison et toute la propriété de son fils et tout s'enflamma.

Il alla chez son fils cadet. Il vit un beau moulin à côté d'un étang entouré d'une belle propriété. Son fils était assis dans le moulin. Le père s'inclina devant lui et dit:

«Donne-moi un peu de farine, je suis très pauvre, je n'ai rien à manger!»
«Désolé mais je n'ai même pas moulu pour mes propres besoins, donc encore moins pour toi. Beaucoup de gens dans ton genre passent par là!» répondit le jeune homme.
Le vieil homme sortit du moulin, s'éloigna un peu de la maison, puis il regarda en arrière et le moulin s'enflamma.

Il arriva chez son troisième fils qui vivait chichement. Sa maison était petite mais propre. En y arrivant, le père se transforma en un pauvre vieux en guenilles.

«Donnez-moi un bout de pain!» dit-il.
«Rentre dans la maison, tu y trouveras de quoi manger. Ma femme va même te préparer un casse-croute pour la route», répondit le jeune homme.

Il rentra dans la maison et quand la jeune femme vit ses vêtements miséreux, elle eut pitié de lui. Elle alla tout de suite lui chercher un pantalon et une chemise dans son débarras. Le vieil homme les mit aussitôt. Pendant qu'il se changeait, la jeune femme aperçut une plaie profonde sur sa poitrine. Le jeune couple fit asseoir le vieil homme à table, ils lui donnèrent à manger et à boire. Après le repas, le jeune homme s'adressa ainsi à son hôte:

«Dis-moi, vieil homme, d’où vient cette plaie sur ta poitrine?
-Malheureusement c’est une plaie qui mettra bientôt fin à ma vie. Je n’ai plus qu’un jour à vivre», répondit le vieux.
«Quelle mauvaise nouvelle! Et il n’existe aucun remède pour la soigner?» demanda la jeune femme.
«Si, il y en a un mais personne ne me le donne bien que n’importe qui puisse le faire.
-Pourquoi ne le ferait-on pas? Si vous connaissez le remède, dites-le nous!» insista le jeune homme.
«Ce remède est tel qu’il demande au propriétaire d’incendier tout ses biens et qu'ensuite il verse les cendres sur ma plaie pour la guérir. Mais crois-tu qu’il existe au monde quelqu’un qui serait capable de le faire?» répliqua le vieil homme.

Le jeune homme réfléchit longuement, puis il s’adressa à sa femme:

«Et toi ma femme, qu’en penses-tu?
-Je pense que nous pourrons acquérir une autre maison mais si cet homme meurt, il n’aura plus jamais une autre vie», répondit la jeune femme.
«D’accord! Si c’est ton avis, sors avec les enfants de la maison!» dit le mari.

Ainsi fut fait. Le jeune homme jeta un dernier regard sur sa maison qu’il regrettait beaucoup mais il avait plus de regret pour la vie du vieil homme. Il incendia sa maison qui brûla entièrement. Mais à sa place, une autre maison apparut, une belle et magnifique maison. Le vieil homme n'arrêtait pas de rire:

«Je vois mon fils qu’entre vous trois, c’est toi seul qui es resté fidèle à la justice. Sois heureux et réussis dans ta vie!»

Et c’est à ce moment-là que le jeune homme reconnut son père adoptif. Il alla vers lui mais il avait disparu et il ne trouva plus sa trace.


Conte ukrainien

vendredi 15 novembre 2013

Le foie de l’agneau

Tableau de Margit Sàpi


Jésus Christ était encore sur terre et traversait à pied un grand désert quand il aperçut un grand jeune homme avachi au bord de la route. Il lui demanda:

«Alors, que fais-tu ici?
-Rien, je me dore au soleil», répondit le jeune homme.
«-Ne serait-ce pas mieux si tu t’engageais quelque part comme serviteur?» lui demanda Jésus Christ.
«Je le ferais volontiers, mais personne ne veut de moi», répondit le jeune homme.
«Alors, moi, je t’engage», répondit Jésus Christ.

Après s'être longuement étiré, le jeune homme se leva et suivit Jésus Christ à pas lents. Quand celui-ci eut faim, il entra dans un hameau et acheta pour trois pièces d’argent un agneau à un berger. Ils continuèrent ensuite paisiblement leur chemin. Arrivant à la hauteur d'un grand arbre, ils s’y installèrent. Jésus Christ dit:

«Va dans le village mon garçon et demande un peu de sel et de paprika! Pendant ce temps, moi, je prépare la viande d’agneau.
-Je n’y vais pas! Je ne suis pas un mendiant!» répondit le jeune homme.
«D’accord, j’y vais moi-même. En attendant, écorche l’agneau et prépare un bon feu!» répondit Jésus Christ.

Ainsi fut fait. Jésus Christ alla dans le village. Pendant ce temps le jeune homme écorcha l’agneau, fit du feu, rôtit la viande et mangea le foie de l’agneau, quand Jésus Christ revint.

«Où est le foie?» demanda Jésus Christ quand il vit la viande de l’agneau.
«Quel foie? L’agneau n’a pas de foie!» répondit le jeune homme.
«Bien sûr qu’il en a un. Tous les animaux en ont un comme les êtres humains», répliqua Jésus Christ.
«Je sais quand même mieux que vous que l’agneau n’a pas de foie. Mon père, mon grand-père et tous mes ancêtres étaient bergers, je l’étais moi aussi jusqu’au jour où mon maître m'a chassé», répondit le jeune homme.

Ils discutèrent ainsi quand deux hommes s’approchèrent d’eux. D’après leurs vêtements, ils avaient l’air d’être bouchers. Jésus Christ les interpella:

«Il me semble que vous êtes bouchers. Je vous demande de nous rendre justice. Selon vous, l’agneau a-t-il un foie?
-Bien sûr qu’il en a un. Tous les animaux en ont un», répondirent-ils.

Mais ils donnèrent leur avis en vain, le jeune insista. Jésus Christ comprit que tout discours était inutile. Après avoir mangé l’agneau, ils continuèrent leur chemin. Ils marchèrent, cheminèrent jusqu’à ce qu’ils soient arrivés dans un village. Ils entendirent que la fille du seigneur du village était à l’article de la mort. Le seigneur avait fait venir des médecins des quatre coins du monde, mais ceux-ci ne pouvaient rien faire pour elle.

Jésus Christ alla voir le seigneur, il proposa de lui rendre service et de guérir sa fille. Il demanda que l'on construise rapidement une petite maison en brique sans porte et sans fenêtres et que l'on y installe un four et qu'il soit bien chaud. Quand la maison fut prête, Jésus Christ prit dans ses bras la malade et l’emmena dans la petite maison.
…et ô miracle… la maison sans porte et sans fenêtres s’ouvrit devant eux. Ils y entrèrent, le jeune homme les suivit. Alors Jésus Christ lui donna un sabre et lui dit:

«Coupe le cou de cette fille!
-Moi? Il n’y a pas d’assassin dans ma famille, je ne le serai pas, moi non plus», répondit le jeune homme.
«D’accord, je vais le faire moi-même», répondit Jésus Christ.

Ce qui fut fait. Il coupa le cou de la jeune fille, jeta son corps dans le four bien chaud et le laissa réduire en cendres. A ce moment-là, Jésus Christ prit une poignée de cendres de la région du cœur et dit:

«Lève-toi et marche!»

Aussitôt, les cendres s’animèrent, la fille se leva et marcha. Elle était plus belle que jamais. Le seigneur était très heureux et couvrit Jésus Christ de pièces d’or et d’argent. En voyant cela, le jeune homme dit:

«Je ne serai plus votre serviteur. Donnez-moi mon salaire et je vous quitte tout de suite.»

Il se dit qu’il saurait faire ce métier, lui aussi, ce qui lui permettrait de gagner beaucoup d’argent.

«D’accord, je te donne ce que je te dois, tu peux aller où tu veux. Mais avant, dis-moi où est passé le foie de l’agneau?» répondit Jésus Christ.
«-Je ne le sais pas. Je ne peux que répéter que l’agneau n’a pas de foie», insista le jeune homme.

Jésus Christ lui donna tout de même son salaire. Ils se quittèrent, l’un alla vers l’Est, l’autre vers l’Ouest. Le jeune était déjà dans un pays lointain quand il entendit que la fille du grand seigneur du village était très malade.

«Alors, je sais comment faire», se dit-il.

Il alla voir le grand seigneur, se présenta comme docteur étant capable de faire des miracles pour une belle somme. Ils se mirent d’accord pour trois cents pièces d’or. Lui aussi fit construire une petite maison sans porte et sans fenêtres avec un four à l'intérieur, mais il entra auparavant dans la maison avec la fille de peur que la porte ne s’ouvre pas devant eux. Quand la maison fut prête, le jeune homme coupa le cou de la fille, ensuite il la jeta dans le four bien chaud. Quand elle fut réduite en cendres, il sortit au hasard une poignée de cendres et dit:

«Lève-toi et marche!»

Mais elle ne se leva pas. Il redit la phrase dix fois, vingt fois, en vain. Le temps passa, une heure, deux heures, trois heures. Le père de la fille commença à s’inquiéter: avec sa femme et leurs proches, ils pénétrèrent dans la petite maison, mais ils ne trouvèrent pas trace de leur fille. Alors, ils saisirent le jeune homme, l’emmenèrent devant le tribunal qui le condamna tout de suite à mort. La nuit, on commença à monter la potence, et au petit matin le jeune homme fut emmené à la pendaison. La foule attendait impatiemment ce qui allait se passer. Le nœud était déjà autour de son cou quand le jeune vit Jésus Christ dans la foule. Il poussa alors un cri:

«Viens, aide-moi, sinon je serai pendu!»

Jésus Christ s’approcha, on lui raconta ce qui s’était passé et pourquoi le jeune homme allait être pendu.

«Laissez-le, ne le pendez pas! Je vais ressusciter la jeune fille», dit Jésus Christ.
Ainsi fut fait. Les gens suivirent Jésus Christ accompagné du jeune homme libéré. En cours de  route, Jésus Christ interrogea le jeune homme:

«Alors, je t’ai délivré de la mort, mais maintenant dis-moi ce qu'est devenu le foie de l’agneau!
-Dieu me vienne en aide, l’agneau n’a pas de foie!» répondit le jeune homme.

Jésus Christ ne le harcela plus de questions. Ils arrivèrent au four où Jésus Christ prit une poignée de cendres de la région du cœur de la fille et dit:

«Lève-toi et marche!»

Aussitôt, les cendres s’animèrent, la fille se leva et marcha. Elle était sept fois plus belle que jamais. Son père paya immédiatement les trois cents pièces d’or à Jésus Christ. Jésus prit l’argent, le déposa sur la table, et il se mit à le compter. Il divisa les pièces en trois parties. Le jeune homme lui demanda:

«Que fais-tu? Pourquoi divises-tu l’argent en trois puisque nous ne sommes que deux?
-Le premier tas est à moi parce que c’est moi qui ai guéri la jeune fille. Le deuxième tas est à toi parce que c’est toi qui as accepté de la guérir.
-Et le troisième tas?
-Le troisième sera à celui qui a mangé le foie de l’agneau.
-Dieu me vienne en aide, c’est moi qui l’ai mangé.
-Alors si c’était toi, les diables vont t’emporter», dit Jésus.
On ne sut pas d’où les diables sortirent à cet instant, mais ils étaient là. Ils mirent la main au collet du jeune homme et l'emportèrent à toute vitesse vers l’enfer. Personne ne le revit plus jamais.


Collecte d’Elek Benedek


vendredi 8 novembre 2013

Le demi-kreutzer de diamant du petit coq

Conte imaginé par Laura Liptàk (10ans) 
 Il était une fois une femme qui était bien pauvre. Elle avait un petit coq. Il picorait, il grattait sur le tas de fumier quand il trouva un demi-kreutzer de diamant. L’empereur turc passait par là, il vit le demi-kreutzer de diamant. Il dit au coq:

«Petit coq, donne-moi ton demi-kreutzer de diamant!
-Je ne te le donne pas parce que ma fermière en a besoin», répondit le petit coq.

Mais l’empereur turc eut recours à la force et il prit tout de même le demi-kreutzer. Il l’emporta avec lui, et il le mit dans sa chambre du trésor. Le petit coq se mit en colère, s’envola par dessus de la clôture et commença à crier:

«Cocorico, empereur turc, rends-moi mon demi-kreutzer de diamant!»

L’empereur turc, pour ne plus l’entendre, rentra dans sa maison. Le petit coq s’envola jusque sur le rebord de sa fenêtre et cria:

«Cocorico, Empereur turc, rends-moi mon demi-kreutzer de diamant!»

L’empereur turc se fâcha et dit à son serviteur:

«Va attraper ce petit coq pour qu’il cesse de crier et jette-le dans le puits!»

Ce fut ainsi. Mais le petit coq dit une fois dans le puits:

«Bois beaucoup d’eau, mon jabot! Bois beaucoup d’eau, mon jabot!»

Et son jabot absorba l’eau qui était dans le puits.
Le petit coq s’envola de nouveau sur le rebord de la fenêtre de l’empereur turc et dit:

«Cocorico, Empereur turc, rends-moi mon demi-kreutzer de diamant!»

L’empereur turc appela de nouveau son serviteur et lui dit:

«Attrape ce petit coq pour qu’il cesse de crier et jette-le dans le four bien chaud!»

Mais le petit coq dit dans le four:

«Mon jabot, fais sortir ton eau pour qu’elle puisse éteindre le feu! Mon jabot, fais sortir ton eau pour qu’elle puisse éteindre le feu!»

Ce fut ainsi. Le petit coq s’envola de nouveau sur le rebord de la fenêtre de l’empereur turc et dit:

«Cocorico, Empereur turc, rends-moi mon demi-kreutzer de diamant!»

L’empereur turc s’emporta davantage et dit à son serviteur:

«Mon serviteur, attrape ce petit coq, jette-le dans un nid de guêpes et laisse les guêpes le piquer!»

Le serviteur jeta dans le nid de guêpes le coq qui commença de nouveau à dire:

«Avale les guêpes mon jabot! Avale les guêpes mon jabot!»

Ce fut ainsi. Alors, le petit coq s’envola de nouveau sur le rebord de la fenêtre de l’empereur turc et dit:

«Cocorico, Empereur turc, rends-moi mon demi-kreutzer de diamant!»

L’empereur turc ne savait plus quoi faire. Il dit à son serviteur:

«Va chercher le petit coq afin que je puisse le mettre dans l’un des plis de mon ample pantalon!»

Le serviteur obéissant alla le chercher, et le mit dans l’un des plis du large pantalon de l’empereur. Mais le petit coq recommença à dire:

«Mon jabot, laisse sortir les guêpes afin qu’elles puissent piquer le derrière de l’empereur! Mon jabot, laisse sortir les guêpes afin qu’elles puissent piquer le derrière de l’empereur!»

Le jabot fit sortir toutes les guêpes, elles piquèrent bien fort le derrière de l’empereur qui bondit:

«Aïe! Aïe! Que le diable l’emporte, ce petit coq! Emmenez-le tout de suite dans ma chambre du trésor et laissez-le pour chercher son demi-kreutzer de diamant!»

Les serviteurs firent ainsi. Mais le petit coq dit dans la chambre du trésor:

«Avale tout l’argent mon jabot! Avale tout l’argent mon jabot!»

Et son jabot avala le contenu des trois coffres d’argent de l’empereur. Le petit coq rentra avec l’argent à la maison et donna tout à sa fermière qui devint riche. Elle vit encore aujourd’hui si elle n’est pas morte entre-temps.


vendredi 1 novembre 2013

Le combat de Ladislas contre Salomon




Source Wikipedia :Salomon sur le trône 
Le roi Salomon, avec l'aide de son beau-père, l'empereur d'Allemagne, entreprit une campagne contre Géza, Duc de Hongrie. Après cet échec, affligé, le roi Salomon se retira dans le château fort à Bratislava.

Mais il ne put pas vivre en paix ici non plus car le frère cadet de Géza, le Prince Ladislas prit le château fort d'assaut. Comme celui-ci était solide, le siège s'éternisa.
Pendant ce temps, les vaillants guerriers de Salomon sortaient souvent du château fort pour se battre contre les soldats de Ladislas. Déguisés, souvent les chefs ont également participé aux combats singuliers.

Un jour, le Prince Ladislas, déguisé en simple soldat, s'approcha du château fort. A l'intérieur, le roi Salomon se déguisa et s'arma en même temps, et en sortit à cheval. Ni l'un, ni l'autre ne put se douter de l'identité de son assaillant. La garnison se mit sur les murailles afin de regarder de près le duel, car les soldats étaient tellement sûrs de la victoire du roi Salomon.

Quand Salomon s'approcha de Ladislas, il porta la main à ses yeux et il eut un mouvement de recul. Il vit voleter au-dessus de la tête du Prince Ladislas deux anges qui le menacèrent du sabre chauffé au rouge.

Salomon en fut tellement effrayé qu'il se mit à courir, et se réfugia dans le château fort.

Ses soldats lui demandèrent avec stupéfaction:

«Seigneur, en général trois ou quatre soldats ne sont pas capables de te faire peur! Maintenant tu as pris la fuite devant un seul?»

Salomon répondit en haletant de la frayeur:

«Je n'ai jamais fui un seul homme, mais lui, il n'est pas un homme puisque ce sont des sabres chauffés au rouge qui le protègent.»

vendredi 25 octobre 2013

Les trois bons conseils II

Source: hu.wikipedia.org
Alors le pauvre homme devint furieux et il fut très indigné:

«Comment? C’est encore moi qui devrais prêter un cheval au fiancé?» se dit-il.

Il ne savait pas quoi faire. Il se dit qu’il attendrait jusqu’à l’après-midi que les noces se déroulent et après la cérémonie, devant tout le monde, il divulguerait que la fiancée était jadis sa femme. 

Les invités, les fiancés, tout le monde alla à l’église sauf le pauvre homme qui resta seul dans la maison de son voisin. Quand les gens de la noce rentrèrent à la maison, ils appelèrent le pauvre homme pour lui dire qu’il était invité à aller dîner avec eux. Il essaya de mentir, de refuser l’invitation, et de trouver des excuses alambiquées, mais il finit par accepter d'aller  dîner avec les invités.

Quand il entra dans la maison, il aperçut un joli couple en vêtement de noces. Il vit aussi que ce n’était pas sa femme qui était la fiancée. Sa femme était dans un coin et n’arrêtait pas de pleurer. Elle était inconsolable. Le pauvre homme s’approcha d’elle et lui posa la question suivante:

«Brave femme, pourquoi pleurez-vous maintenant quand vous devriez vous réjouir?
-Comment ne pleurais-je pas quand je pense à notre bonheur d’il y a environ vingt-trois ans! Mon mari est parti il y a vingt ans et depuis je suis sans nouvelles. Il n’y a pas de service postal, je n’ai pas pu lui écrire. Il ne m’a jamais rien envoyé, et aujourd’hui, le jour du mariage de son fils, je ne sais pas s’il vit encore ou il est déjà mort», répondit la femme.
Soudain, l’homme comprit que le jour où il était parti, son fils avait deux ans, maintenant il devait en avoir vingt-deux.

«Hier soir, j’ai bien fait de ne pas tirer par la fenêtre. Mon fermier m’a donné un bon conseil quand il me disait que je laisse ma colère du soir au lendemain matin», pensa-t-il.

«Reconnaîtriez-vous votre mari si vous le voyiez?» demanda-t-il à la femme.
«Je le reconnaîtrais même parmi mille parce qu’il avait une énorme cicatrice sur son cou», répondit la femme.

Sur ce, le pauvre homme déboutonna sa chemise et dit:

«Voilà la cicatrice! Je suis ton mari!»
Ils se donnèrent de grandes accolades et ils s’embrassèrent amoureusement.

«Ça alors, je n’ai jamais eu un aussi grand bonheur de toute ma vie! Je vais chercher le pain pour le couper en tranches comme mon maître m’a conseillé de le faire au moment où j’aurais la plus grande joie de ma vie», dit le mari.

Il alla en courant chez le voisin, il sortit le pain du sac, et en rentant chez lui il le découpa. Tout le monde resta bouche bée parce que le pain du pauvre homme n’était pas du vrai pain. A l’intérieur, il était rempli de pièces d’argent.
Ils donnèrent un repas de noces fabuleux. Le pauvre homme et sa famille ne souffrirent plus jamais de la faim. Ils construisirent une belle et grande maison aux jeunes mariés et ils vivent encore aujourd’hui s’ils ne sont pas morts entre-temps.

vendredi 18 octobre 2013

Les trois bons conseils I


Source: hungaria.org 
Il était une fois dans un pays lointain, au-delà de tous les océans, un homme et une femme.
Ils étaient tellement pauvres qu’ils n’avaient rien à manger et rien à donner à manger à leur petit garçon de deux ans. Un jour l’homme dit:

«Écoute-moi, ma femme! Je vais en Moldavie. Je vais bien trouver là-bas une prairie à faucher pour gagner quelques sous.
-Tu fais bien! Vas-y, mon cher mari! Ne te fais pas de souci pour nous, je resterai avec notre fils. Je travaillerai à la journée pour nous entretenir.»

L’homme dit adieu à sa femme et à son fils et s’en alla en Moldavie. Là-bas, il tomba sur un fermier charitable qui l’aima bien et lui fit confiance à tel point qu’il lui laissa tout faire. L’homme travailla jour et nuit. Il mit de côté tout son argent, mais, en vérité, vingt ans passèrent depuis qu’il avait quitté sa maison.

Un jour il était tellement triste qu’il ne savait plus quoi faire de son chagrin. Le fermier lui demanda:

«Alors, mon cher serviteur, pourquoi es-tu tellement triste?
-Comment ne le serais-je pas quand il y a déjà vingt ans que j’ai quitté ma famille. Je n’ai plus de nouvelles d’eux. Je devrais rentrer chez moi pour savoir ce qui se passe là-bas. Il est possible que ma femme soit déjà décédée ou malade. Peut-être ma maison s’est-elle déjà effondrée.
-Bien, je vois que tu es prêt à partir. Combien dois-je te payer pour ta fidélité? Tu voudrais de l’or, de l’argent, des pièces ou trois conseils?» demanda le fermier.
«-Il est vrai que l’or, l’argent et les pièces seraient les bienvenus, mais je suis encore jeune, je pourrai encore travailler. J’accepte plutôt les trois conseils», répondit l’homme.
«-D’accord, tu as bien répondu, cela me plaît. Je te donne de l’argent pour la route. Tiens, voilà un sac plein de pièces. Je te donne un cheval pour que tu ne doives pas faire la route à pied, et enfin je te donne un fusil au cas où que quelqu’un voudrait t’agresser dans la forêt, pour que tu puisses te défendre. Mais je te donne aussi trois bons conseils. Retiens bien ceci, que ta colère du matin doive être reportée au soir, et celle du soir au lendemain matin. Je te donne un morceau de pain que tu ne dois manger que si tu as une immense joie telle que tu n’en as jamais connue auparavant dans ta vie», dit le fermier.

L’homme remercia bien le fermier de sa bonté, il rangea l’argent et le pain dans son sac à dos et monta sur son cheval. Le fusil au côté, il se dirigea lentement vers sa maison. Le soir tombait quand il arriva dans son village. Il ne voulait pas rentrer chez lui tout de suite. Il se dit que soit sa femme se réjouirait quand elle le reverrait, soit elle s’était remariée depuis qu’il l’avait quittée. Il demanda donc l’hospitalité pour une nuit à son voisin.
Mais son voisin ne le reconnaissait pas! Pendant vingt ans il avait fortement vieilli, il fut quand même bien reçu. Son cheval fut mis à l’écurie, lui, il eut un bon lit pour la nuit. Mais il ne put trouver de repos tant qu’il n’alla pas épier par la fenêtre de sa maison. Il attendit que tout le monde s’endorme, et il s’approcha de sa fenêtre à pas de loup.

Mon Dieu! Il vit que sa femme donnait à manger à un jeune homme. Elle lui donnait beaucoup de mets de choix, les uns meilleurs que les autres. Après chaque cuillerée, elle lui donnait un baiser. L’homme se mit en colère à tel point qu’il faillit tirer par la fenêtre dans la pièce avec son fusil.

«Moi, je pars loin d’ici pendant vingt ans, je travaille durement et elle, elle est devenue infidèle. Je suis sûr qu’elle s’est remariée», se dit-il avec beaucoup d’amertume.

Mais le conseil de son maître lui vint à l’esprit disant qu’il fallait laisser la colère du matin au soir, celle du soir au matin.

«J’attends demain matin, et alors je m’en occuperai. Je vais faire tambouriner dans tout le village pour que tout le monde sache quelle femme j’ai épousée», se dit-il.

Il rentra chez son voisin et alla se coucher. Le lendemain, ses hôtes lui racontèrent qu’il y aurait une noce chez leur voisin. A la plus grande surprise de tout le monde, le fiancé c’est-à-dire le jeune homme que le pauvre homme avait vu la nuit chez sa femme, vint lui demander de lui prêter son cheval car il le voulait pour aller se marier à l’église.


(À suivre)

samedi 12 octobre 2013

Le diable et le porcher



Source: kincsestar.radio.hu
Un jour un porcher faisait paître ses bêtes aux champs. Le diable s'approcha de lui et dit:

«Ces animaux sont à toi?
-Non, je suis seulement le porcher.
-Alors, unissons nos efforts, allons faire du commerce puisque tu t’y entends mieux que moi en cochons. Voilà mon sac d’argent, allons au marché.»

Le diable acheta beaucoup de cochons. Le pauvre porcher par contre n’avait de l’argent que pour acheter sept cochons bien maigres. Ils lâchèrent toutes les bêtes dans une porcherie commune. Le lendemain le diable se gratta la tête.

«Nous les avons enfermés tous ensemble, mais maintenant comment allons-nous les départager? Je n’en reconnais pas un seul!
-J’ai donné un tour à la queue de chacun de ceux qui m’appartiennent», répondit le porcher. «Toutes les bêtes à la queue en tire-bouchon sont à moi.»

Connaissant bien son métier, le porcher savait que les cochons à la queue en tire-bouchon étaient en bonne santé. Ainsi il devint riche, le diable par contre s’appauvrit.
Un peu plus tard le diable sema du blé dans un grand champ. Quand les blés furent mûrs, il demanda au porcher:

«Choisis! Tu veux le haut ou le bas de la récolte de céréales?
-Je veux le haut de la récolte, autant que je puisse en ramasser avec mes deux mains», répondit le porcher. Il eut donc tous les épis.

Le diable était content d'en avoir la plus grande partie. Mais il comprit plus tard qu'il était encore une fois perdant. L'année suivante ils semèrent des oignons. Cette-fois-ci, c'était le diable qui devait choisir. Il pensa être plus malin que le porcher et il choisit la partie haute des oignons. Il eut les tiges, le porcher garda les bulbes.
Le diable s'appauvrissait de plus en plus, tandis que le porcher avait déjà gagné un sac d'argent. Le diable était en colère contre le porcher.

«Puisque j'ai déjà perdu tout mon argent, battons-nous au moins! Celui qui gagnera, aura l'argent!»

Le porcher donna son accord. Le lendemain, tôt le matin, le diable se fit apporter un énorme gourdin en fer afin de tuer le porcher et de mettre ensuite la main sur le sac d'argent. Il frappa à la porte du porcher et lui dit:

«Lève-toi, sors et battons-nous!»

Le porcher avait un bâton ferré. Il le prit et se mit face au diable. Pendant que le diable soulevait son lourd gourdin, le porcher cogna la tête du diable qui se sauva en gémissant de douleur.

Le porcher resta riche et il vit encore aujourd'hui s'il n'est pas mort entre-temps.

vendredi 4 octobre 2013

Le Roi chat

Conte imaginé par Emese CS.Gyenes
Il était une fois une femme qui était veuve. Elle avait un chat si gourmand qu’il mettait le nez dans toutes les marmites et dans toutes les casseroles. Un jour, alors qu’il avait entièrement vidé la casserole de lait, la pauvre femme en eut assez de sa gourmandise. Elle saisit son balai et battit bien fort le chat en lui disant:

«Dehors! Quitte ma maison! Va où tu veux, mais ne reviens plus jamais ici.»

Le pauvre chat s’en alla donc de par le monde. Il était très triste en sortant du village. Il traîna de-ci de-là, et en arrivant à un pont, il s’assit et se mit à ronronner. Le temps passait quand le chat aperçut un renard. Il était assis, lui aussi. Le chat s’approcha tout doucement du renard et commença à jouer avec sa queue. Le renard eut peur, regarda bien attentivement le chat, mais il ne pouvait pas imaginer de quel animal il s’agissait. Il n’avait jamais rien vu de semblable dans sa vie. Il recula un peu, le chat aussi parce qu’il n’avait jamais vu de renard dans sa vie. Le chat eut peur du renard, le renard eut peur du chat.
C’est le renard qui prononça les premiers mots. Tremblant de peur, il demanda au chat:
«De nous deux, qui sera le maître?»
«Ah! Tiens donc! Il me semble qu’il a peur de moi!» pensa le chat. Il prit son courage à deux mains et dit avec beaucoup de fierté:


«Alors quoi, tu ne me reconnais pas? Je suis le Roi chat. Il n’y a pas d’animal au monde qui n’aurait pas peur de moi.
-Oh! J’ai vraiment honte, mais je n’ai jamais entendu parler de toi», dit le renard.

Il invita le Roi chat à lui rendre visite chez lui, à son modeste domicile. Il lui promit de servir pour le dîner de la viande de poulet, de canard, d’oie et tout ce qu’il y de meilleur au monde.

«D’accord, j’accepte ton invitation, je viens avec toi», répondit le Roi chat.

Arrivé à la maison, le renard s’activa dans la cuisine. Il se mit au fourneau, prépara des plats délicieux et les servit au Roi chat.

«Prenez-en Majesté, prenez-en Majesté! Ici, chez moi, ce n’est pas comme chez vous, vous pouvez manger autant que vous voulez!» dit le renard.
Quand le repas fut terminé, le renard prépara un lit douillet au Roi chat qui demanda du silence dans la maison et que personne n’ose le déranger pendant son sommeil. Le renard sortit et fit les cent pas devant chez lui. Il veilla à ce que personne n’entre dans la maison et que tout le monde l’évite même de loin.
Un lapin s’approcha, et le renard lui dit:

«Pars d’ici, pauvre bête! Ne sais-tu pas que le Roi chat dort chez moi? Si tu le réveilles, ce sera la fin de ta vie.»

Il n’en fallait pas plus au lapin, il s’enfuit et courut à toutes jambes. Un ours arriva en face de lui et demanda:

«Eh bien toi, où cours-tu? Peut-être les chiens de chasse te poursuivent-ils?
-Ne me posez même pas la question, Compère Ours! Je suis passé devant la maison du renard qui m’a dit de courir autant je peux parce que c’est le Roi chat qui dort chez lui et si je le réveille, ce sera la fin de ma vie.
-Quoi? dit l’ours. Écoute-moi! J’ai déjà parcouru beaucoup de pays, mais je n’ai jamais vu le Roi chat et je n’en ai jamais entendu parler. Alors, je vais voir Compère Renard pour savoir ce qui est ce Roi chat.»

Ainsi fit-il. Il retrouva le renard qui faisait les cent pas devant sa maison et quand il aperçut l’ours, il lui dit:

«Oh, mon dieu, ne venez pas par là, Compère Ours, parce que si vous réveillez le Roi chat, ce sera la fin de votre vie et de la mienne aussi!»

L’ours eut peur, il se retourna et courut à toute vitesse. Il s’arrêta quand il rattrapa le lapin qui était déjà entouré de toutes sortes d’animaux. Le lapin leur parla du Roi chat, et tous étaient effrayés.

«Mon dieu, qu’est-ce qui va se passer quand le Roi chat sera réveillé et fera une balade dans la forêt?»

Le loup, le chevreuil, le cerf, la corneille, l’aigle, le corbeau, tous étaient effrayés, et ils ne savaient pas quoi faire. Le lapin dit le premier:

«J’ai une proposition! Unissons nos efforts, préparons un dîner et invitons le Roi chat. S’il est allé dîner chez le renard, il viendra peut-être chez nous aussi.
-C’est une bonne idée, dit la corneille. Si vous me faites confiance, je vais chez le renard et j’invite Sa Majesté.»

Les autres, bien sûr, avaient confiance en elle. La corneille alla chez le renard, le salua poliment et lui dit pourquoi elle était venue.

«D’accord, je vais voir s’il est déjà réveillé pour lui présenter votre invitation», dit le renard.

Ainsi fit-il. Quand le renard entra dans la chambre, le Roi chat était en train de se frotter les yeux et de s’étirer si fort que ses os craquaient.

«Alors, quoi de neuf, mon ami?» demanda le Roi chat.
«Majesté!  Une corneille est ici, elle a été envoyée par les animaux de la forêt afin de vous présenter leur invitation à un dîner», dit le renard.
Le Roi chat retroussa sa moustache et dit au renard:

«D’accord! Tu peux dire à la corneille que j’irai au dîner.»

La corneille retourna avec la bonne nouvelle chez les autres animaux qui se mirent tout de suite au travail. Ils firent un grand feu au milieu de la forêt, l’ours alla chercher de la viande de bœuf, le loup de la viande de cheval, l’aigle de la viande de petits oiseaux. Le lapin s’improvisa cuisinier, tourna la broche, cuisit les meilleurs morceaux de viande. Les autres entouraient le feu et attendaient le Roi chat.
Le Roi chat se préparait, lui aussi: il tortilla sa moustache et partit en compagnie du renard. La corneille s’offrit pour accueillir le Roi chat, elle lui indiqua la route, mais pour rien au monde elle n’aurait osé descendre à terre. Elle s’envolait d’un arbre à l’autre et croassait:

«Par là, par là Majesté!»

Quand les autres virent arriver le Roi chat en compagnie du renard, leur courage les abandonna.

«Oh, le Roi chat arrive là-bas et il va me piquer avec sa moustache», cria le lapin.
«Sauve qui peut!» cria l’ours.

Sur ce, les animaux partirent en courant dans tous les sens. Si ces bêtes ne s’étaient pas sauvées, mon conte durerait encore.