jeudi 15 novembre 2018

Dongó et Mohácsi

Source:www.kezmuvesotthon.hu
Il était une fois un roi. Il avait une très belle fille. Elle avait une très jolie bague en or qui n’avait pas sa pareille au monde. La Princesse ne se séparait jamais de sa merveilleuse bague, même la nuit elle la gardait à son doigt.

Personne ne savait comment, mais un beau jour quelqu’un vola la bague. La Princesse était inconsolable. Elle pleurait à chaudes larmes et faillit mourir de chagrin. Cela fit peur au vieux roi. Il convoqua ses ambassadeurs et leur ordonna d’aller chercher la bague aux quatre coins du monde. Il fit publier au son du tambour que celui qui la retrouvera et la rendra à la Princesse, sera généreusement récompensé.

Au palais royal eut lieu d’une agitation générale: des princes, de jeunes bergers, de jeunes tziganes vinrent les uns après les autres mais nul d’entre eux ne retrouva la bague en or. Le roi les chassa, tous.
Dans la ville vivait un soldat démobilisé qui s’appelait Dongó1. Personne ne le vit jamais travailler, il vivait quand même bien. Il avait la réputation d’être diseur de bonne aventure. Il décida de monter au palais royal.

-J’ai entendu dire que la bague en or de la Princesse a été volée. Au prix de ma vie, d’ici trois  jours je vais la retrouver, dit-il.

Au début le vieux roi ne daigna même pas lui prêter attention mais quand il constata que Dongó lui répondait avec panache, il lui demanda:

-Et que demandes-tu en échange?

-Rien, uniquement que je puisse passer trois jours ici dans le palais et que l’on me donne à manger et à boire, répondit-il.

-Bon, d’accord! Mais si tu ne retrouves pas la bague, ta vie prendra fin, dit le vieux roi.

Sur ce, Dongó se chercha une belle pièce dans le palais, il s’y installa, et comme il avait l’habitude, il ne faisait rien.
Le vieux roi avait trois valets. Le premier était habillé tout en blanc, le deuxième tout en noir, le troisième tout en rouge. Il ordonna à ces valets d’apporter à boire et à manger à Dongó.

Le premier jour ce fut le valet habillé tout en blanc qui servit Dongó d’un bon plat et d’un excellent vin au déjeuner. Le valet les déposa devant Dongó qui ne dit même pas merci. Il marmonna:

-Voici le blanc! J’ai déjà eu le premier.

Dongó pensa que le premier jour était déjà presque terminé, et il ne savait rien de plus au sujet de la bague. Mais le valet commença à trembler, et il avait du mal à retrouver la porte pour sortir de la pièce.
Le lendemain c’était le tour du valet en noir de lui apporter le déjeuner. Dongó ne le remercia pas non plus, et il marmonna:

-Voici le noir! J’ai déjà eu le deuxième.

Le valait ne dit rien mais ayant peur, il faillit faire tomber la bouteille de vin.
Le troisième jour arriva, et le valet en rouge lui apporta le déjeuner. Dongó marmonna de nouveau:

-Voici le rouge! J’ai eu le troisième aussi.

Le valet trébucha sur le tapis sans que Dongó s’en soit aperçu. Il se creusa la tête à tel point qu’il n’avait même pas touché au plat. La fin du troisième jour arriva, et bientôt la fin de sa vie aussi.
Les valets se réunirent et se dirent:

-Eh bien, Dongó sait que nous sommes les voleurs de la bague. Nous ferions mieux de la lui rendre en lui demandant de ne pas révéler au roi notre identité.

Ainsi fut fait. Ils allèrent voir Dongó, lui rendirent la bague. Ils lui demandèrent avec insistance de ne pas dire au roi qui étaient les voleurs. Pour cela, ils donnèrent beaucoup d’argent à Dongó.
Celui-ci fut heureux et faisait semblant de tout savoir. Il accepta l’argent, et il ordonna aux valets de lui apporter un morceau de pâte malléable. Il y enroba la bague, ensuite il alla se promener dans le jardin du palais. Le paon de la Princesse s’y pavanait. Dongó lui jeta la pâte qu’il avala d’un seul coup, puis il rentra dans le palais pour parler au roi.

-Qu’il rentre, lui fit dire le roi.

Dongó s’inclina profondément devant le roi et annonça qu’il avait la bague, il suffisait de sortir. Le roi ne voulait pas en croire ses oreilles.

-Alors si tu l’as, montre-la-moi, répondit le roi. Vas-y, fais vite car je ne suis pas d’humeur à plaisanter.

-Elle n’est ni au ciel, ni au grenier mais elle est dans la panse du paon de la Princesse.

Alors le roi devint encore plus furieux car sa fille portait beaucoup d’affection à son paon. Si on le tuait, et que la bague reste quand même introuvable, la princesse serait morte de chagrin. Le roi dit cela à Dongó qui ne cessa d’affirmer que si le roi ne tuait pas le paon, il ne pourrait rien faire.
Le roi comprit qu’il n’avait pas d’autre solution que d’obéir. Il envoya chercher deux de ses pages,  et il fit appeler son chef cuisinier. Celui-ci tua le paon, et par miracle, la bague en or était dans sa panse.

Le roi était très heureux et fit appeler sa fille. Quand la Princesse vit sa bague en or, elle pleura d’un oeil et rit de l’autre parce qu’elle regrettait beaucoup la paon. Mais finalement elle était plutôt heureuse car elle préférait sa bague en or au paon.

-Tu es quelqu’un de très bien, dit le roi à Dongó. Vas voir mon trésorier qui te donnera deux boisseaux d’or.

Dongó le remercia très poliment, il dit adieu au roi. Quand il eut les pièces d’or, il rentra à la maison par un chemin qui traversait le jardin du palais royal.
A ce moment-là, la fille du roi se promenait dans le jardin et tenait dans sa paume un bourdon. Quand Dongó passait à côté de la Princesse, celle-ci lui dit:

-Alors si tu es vraiment un célèbre diseur de bonne aventure, dis-moi ce qu’il y a dans ma paume!

Dongó eut peur et ne savait pas quoi dire. Il laissa sortir un soupir amer:

-Pauvre Dongó, maintenant elle te tient, se dit-il.

-C’est ça, tu as deviné, dit la Princesse.

Sur ce, elle ouvrit sa paume, et le bourdon s’en vola.
Dongó voulut continuer son chemin mais la princesse le retint et lui demanda.

- Dis-moi encore une chose: qu’est-ce qui est au fond du jardin?

Dongó commençait à avoir sérieusement peur qu’il s’avère qu’il n’était vraiment pas diseur de bonne aventure et qu’il ne savait rien. Dans son embarras, il commença à se gratter: avec sa main gauche son oreille droite, et avec sa main droite son oreille gauche. Il lâcha un soupir encore plus amer que tout à l’heure.

-Même si le renard est très rusé, il tombe quand même dans le piège, dit-il.

La Princesse riait de bon coeur et dit:

-Ça aussi, tu l’as deviné.

Au fond du jardin il y avait vraiment une fosse, et un renard dedans. La Princesse n’avait plus de question à poser, et le laissa partir. Dongó ne rentra pas à la maison mais à l’auberge. Ses poches étaient pleines d’argent, et après les coups de frayeur qu’il avait eus, il avait envie de boire quelque chose.

A l’auberge, il rencontra un de ses camarades qui avait fait son service militaire avec lui. Il s’appelait Mohácsi. Ils burent un coup, ensuite ils regardèrent de tous les côtés, la possibilité d’un vol: où voler et quoi voler parce que ni l’un, ni l’autre n’aimait travailler. Dans l’embrasure de la fenêtre de la salle ils repérèrent une vieille lampe. Dongó alla régler le compte, et, pendant que l’aubergiste tournait le dos, Mohácsi cacha la lampe sous sa cape. Ils se levèrent et allèrent dans la ville. A ce moment là, il commençait à faire nuit.

Arrivant à proximité de l’église, ils entendirent du bruit et comprirent qu’il y avait des gens à l’intérieur. Ils épièrent par le trou de la grosse serrure et virent qu’autour d’un tas d’argent, des brigands de grand chemin se disputaient, ils n’arrivaient pas à le partager.

Mohácsi alla ramasser des pierres, et par l’une des fenêtres ouvertes, il commença à les jeter sur eux. Dongó alluma sa lanterne, et fit des tours autour de l’église. Entre les tombes du cimetière voisin il criait d’une voix tonitruante:

-Ceux qui reposent ici, qu’ils se lèvent! C’est le jour du jugement dernier qui est arrivé.

Les brigands de grand chemin eurent peur quand ils virent que des pierres tombaient sur la tête de l’un, sur le dos d’un autre. Ils ne le comprenaient pas, et ils sortirent tous. Ils virent un fantôme se balader entre les tombes en disant:

-Ceux qui reposent ici, qu’ils se lèvent! C’est le jour du jugement de l’église et se partagèrent l’argent. Ils en eurent suffisamment pour continuer à faire ce dont jusque là ils avaient l’habitude: ne rien faire.

1 Dongó signifie en français 'bourdon' 

Collecte de László Arany

lundi 9 avril 2018

Pierre le tricheur



Source: nol.hu 
Il était une fois un homme très malin. Il s’appelait Pierre le tricheur. Il allait d’une foire à l’autre et trompait honteusement tous ceux qu’il pouvait tromper.
Lors d’une foire, il acheta un chapeau en fourrure d’agneau. Puis il entra dans une auberge, et en donnant une poignée de main au patron, il lui glissa de l’argent. Il lui dit à haute voix:


- Apportez-moi une pinte de vin et du ragoût!
 

Il mangea tout de bon coeur, et au moment de régler l’addition, il saisit son chapeau en fourrure d’agneau, et le jeta par terre en faisant un bruit sourd.
- Patron, voici, l’addition est réglée! Est-ce que j’ai bien payé le déjeuner et le vin? demanda-t-il au patron.
- Bien sûr! Tu as donné même un peu plus! répondit l’aubergiste.


Il y avait du monde dans l’auberge. Tout le monde vit comment il venait de régler son compte. Le chapeau était tombé par terre avec un bruit sourd et l’addition avait été réglée! Il avait une dette, il n’en avait plus!


Trois hommes, tous du pays, étaient en train de réfléchir. Finalement l’un d’eux se posta devant Pierre le tricheur et dit:
- Ton chapeau serait-il à vendre?
- Je le vendrai volontiers s’il y avait quelqu’un qui voulait bien l’acheter, répondit-il. Il coûte trois cents florins, ni  plus, ni moins.


Les trois hommes réfléchirent. Ils se disaient que tous les trois aimaient bien manger et boire et que bien sûr cela valait la peine d’acheter le chapeau: au lieu de payer, il suffisait de le jeter par terre, et l’addition serait réglée. Ils se mirent d’accord pour réunir l’argent ensemble.
Ainsi fut fait. Ils donnèrent la somme à Pierre le tricheur.
Ensuite ils commandèrent à tour de bras: du canard rôti, du ragoût de boeuf, du vin.
A la fin du repas, l’un des trois dit:


- Nous allons voir ce que va faire le chapeau.
Il fit signe à l’aubergiste, et quand celui-ci fut devant eux, il jeta par terre le chapeau qui tomba avec un bruit sourd.
- Monsieur l’addition est-elle réglée? demanda-t-il le visage triomphant.
- Comment serait-elle payée? répondit l’aubergiste indigné.
Sur ce, il répéta son geste avec colère, et le chapeau tomba avec un bruit sourd devant l’aubergiste qui secoua sa tête.
Le troisième dit:
- Donne-le-moi compère, parce que tu ne le fais pas bien. Je veux essayer, moi aussi!
Il jeta le chapeau par terre de telle manière qu’il se déchira en lambeaux.
- Tout est payé ? demanda-t-il à l’aubergiste.
- L’addition n’est pas réglée et ne sera même pas réglée tant que vous n’ouvrirez pas votre bourse.
- Eh! Sapristi! Ce voleur était plus malin que nous! Malheur à lui si nous l’attrapons!


Mais ils le cherchèrent en vain. Pierre le tricheur était déjà depuis belle lurette près du Danube où il menait son troupeau de boeufs volés.
Il y rencontra trois hommes qui furent séduits par son troupeau.
- D’où viennent tes boeufs? demandèrent-ils.
- Je les ai tous sortis du Danube. Quelques uns se promènent encore au bord de l’eau. Allez là-bas, et sortez-en pour vous autant que vous voulez.


Deux hommes allèrent dans l’eau mais il n’y avait pas un seul boeuf dans le Danube. Ils eurent du mal à s’en sortir. Le troisième envoya la maréchaussée à la recherche de Pierre. Ils l’arrêtèrent et traduisirent en justice. Le jugement tomba:
- Afin qu’il ne puisse plus nuire à personne, Pierre le tricheur doit être mis dans un tonneau dont le couvercle sera fermé. Ensuite, le tonneau sera roulé jusqu’au Danube. Que l’eau l’emporte loin d’ici!


Ainsi fut fait. Le tonneau flottait en plein milieu du Danube avec Pierre dedans. Il descendit doucement le fleuve jusqu’à ce qu’un homme l’aperçut.
- Que j’aimerais avoir ce tonneau! Il est bien grand, il pourrait me rendre service. Mais comment pourrais-je le récupérer? se dit-il.
Regardant le tonneau, il entendit du bruit en sortir. Il tendit l’oreille. C’était Pierre le tricheur qui criait à l’intérieur.
- Un type ignoble est sous-préfet à Buda, et il le sera toujours! cria Pierre le tricheur dans le tonneau.
- Qu’est-ce que vous racontez? Pourquoi parlez-vous du sous-préfet de Buda?
- Parce qu’on veut m’emmener à Buda pour que je devienne sous-préfet, mais moi, je ne veux pas.


Entre temps, l’eau emportait le tonneau vers la rive du fleuve. L’homme le tira de l’eau et en laissa sortir Pierre le tricheur qui lui dit:
- Ecoute-moi, bonhomme! Ne voudrais-tu pas aller à Buda à ma place? Tu aurais même le tonneau, en plus!
- J’ai déjà suffisamment travaillé dans ma vie, pourquoi ne pourrais-je pas devenir un notable, se dit gaiement l’homme. Il s’installa tout de suite dans le tonneau.
Pierre le tricheur l’enferma dedans, et roula le tonneau dans l’eau. Le tonneau commença à flotter dans la direction de Buda. Sifflotant une chanson joueuse, Pierre le tricheur continua son chemin au bord du fleuve.


Tout à coup, il aperçut un petit troupeau de porcelets dans la forêt, non loin du fleuve. Ne voyant personne alentour, il se mit à poursuivre ce joli troupeau. Il s’était déjà bien éloigné quand il entendit un galop de chevaux derrière lui. Il conduisit les porcelets au profond de la forêt, et il se mit sous un saule courbé bien penché au bord du fleuve. Il se mit en dessous comme s’il le tenait. Il gémissait même quand deux gendarmes à cheval arrivèrent à côté de lui.


- Hé, bonhomme! N’as-tu pas vu passer par là un troupeau de porcelets et un homme qui le menait? demandèrent-ils sans descendre de leurs chevaux.
- Bien sûr, bien sûr que je les ai vus. Mais c’était il y a déjà un bon moment! Depuis ils ont dû  arriver à la ville, répondit Pierre le tricheur.
- Alors poursuivons-les! crièrent les gendarmes.
- Cela ne sert à rien d’aller par là, vous ne pourrez plus les rattraper. Par contre moi, je connais un raccourci, en passant par ce chemin, je peux les pincer. Mais j’aurai besoin d’un cheval, et de quelqu’un qui termine mon travail, leur dit Pierre le tricheur.
- Et quel est ton travail? demanda le gendarme.
- Je soutiens ce saule plein de nœuds pour qu’il ne tombe pas. Si vous le faites à ma place, j’irai récupérer le troupeau de porcelets auprès des voleurs!


Les deux gendarmes moustachus se mirent sous l’arbre pour le soutenir avec leur dos. Pierre le tricheur monta rapidement sur le plus beau cheval aux  poils brillants, et partit au grand galop. En passant à côté d’un lac magnifique, il pataugea au bord de l’eau avec le cheval afin qu’il laisse les traces de ses sabots. Il découpa un morceau de touffe de sa queue, et avec un crochet à long manche, il le fixa au fond du lac pour qu’un petit morceau de queue sorte de l’eau.
Ensuite il galopa gaiement jusqu’à la ville où il vendit le cheval, et retourna à pied à l’endroit où il avait laissé les gendarmes.


Ils étaient toujours au même endroit et soutenaient le saule tordu. Ils n’osaient pas bouger ayant peur qu’il ne tombe. Quand ils virent de loin Pierre le tricheur, ils lui crièrent:
- Alors, où sont les porcelets? Où est le voleur? Qu’as-tu fait du cheval, toi, espèce de voyou?
- Ne me réprimandez pas! J’ai failli y laisser ma peau! Je n’ai rattrapé ni le troupeau, ni la personne qui les conduisait. Mon cheval s’est emballé en route et a sauté dans un lac. Si vous ne me croyez pas, allez voir vous-mêmes!
Ils y allèrent tous les trois.
- Accrochez-vous bien fort à la queue du cheval, il se peut que nous arrivions à le retirer du lac! dit Pierre le tricheur aux gendarmes.


Ceux-ci prirent la queue à pleines mains et s’y agrippèrent. Tout à coup le morceau de queue du cheval leur échappa des mains, et tous les deux tombèrent dans la boue. Leur vêtement était plein de vase, les gens qui passaient par là, se moquèrent d’eux.


C’est ainsi que Pierre le tricheur fut plus malin que les gendarmes. Il retourna dans la forêt où il récupéra les porcelets puis alla en ville et les vendit un bon prix.