lundi 9 avril 2018

Pierre le tricheur



Source: nol.hu 
Il était une fois un homme très malin. Il s’appelait Pierre le tricheur. Il allait d’une foire à l’autre et trompait honteusement tous ceux qu’il pouvait tromper.
Lors d’une foire, il acheta un chapeau en fourrure d’agneau. Puis il entra dans une auberge, et en donnant une poignée de main au patron, il lui glissa de l’argent. Il lui dit à haute voix:


- Apportez-moi une pinte de vin et du ragoût!
 

Il mangea tout de bon coeur, et au moment de régler l’addition, il saisit son chapeau en fourrure d’agneau, et le jeta par terre en faisant un bruit sourd.
- Patron, voici, l’addition est réglée! Est-ce que j’ai bien payé le déjeuner et le vin? demanda-t-il au patron.
- Bien sûr! Tu as donné même un peu plus! répondit l’aubergiste.


Il y avait du monde dans l’auberge. Tout le monde vit comment il venait de régler son compte. Le chapeau était tombé par terre avec un bruit sourd et l’addition avait été réglée! Il avait une dette, il n’en avait plus!


Trois hommes, tous du pays, étaient en train de réfléchir. Finalement l’un d’eux se posta devant Pierre le tricheur et dit:
- Ton chapeau serait-il à vendre?
- Je le vendrai volontiers s’il y avait quelqu’un qui voulait bien l’acheter, répondit-il. Il coûte trois cents florins, ni  plus, ni moins.


Les trois hommes réfléchirent. Ils se disaient que tous les trois aimaient bien manger et boire et que bien sûr cela valait la peine d’acheter le chapeau: au lieu de payer, il suffisait de le jeter par terre, et l’addition serait réglée. Ils se mirent d’accord pour réunir l’argent ensemble.
Ainsi fut fait. Ils donnèrent la somme à Pierre le tricheur.
Ensuite ils commandèrent à tour de bras: du canard rôti, du ragoût de boeuf, du vin.
A la fin du repas, l’un des trois dit:


- Nous allons voir ce que va faire le chapeau.
Il fit signe à l’aubergiste, et quand celui-ci fut devant eux, il jeta par terre le chapeau qui tomba avec un bruit sourd.
- Monsieur l’addition est-elle réglée? demanda-t-il le visage triomphant.
- Comment serait-elle payée? répondit l’aubergiste indigné.
Sur ce, il répéta son geste avec colère, et le chapeau tomba avec un bruit sourd devant l’aubergiste qui secoua sa tête.
Le troisième dit:
- Donne-le-moi compère, parce que tu ne le fais pas bien. Je veux essayer, moi aussi!
Il jeta le chapeau par terre de telle manière qu’il se déchira en lambeaux.
- Tout est payé ? demanda-t-il à l’aubergiste.
- L’addition n’est pas réglée et ne sera même pas réglée tant que vous n’ouvrirez pas votre bourse.
- Eh! Sapristi! Ce voleur était plus malin que nous! Malheur à lui si nous l’attrapons!


Mais ils le cherchèrent en vain. Pierre le tricheur était déjà depuis belle lurette près du Danube où il menait son troupeau de boeufs volés.
Il y rencontra trois hommes qui furent séduits par son troupeau.
- D’où viennent tes boeufs? demandèrent-ils.
- Je les ai tous sortis du Danube. Quelques uns se promènent encore au bord de l’eau. Allez là-bas, et sortez-en pour vous autant que vous voulez.


Deux hommes allèrent dans l’eau mais il n’y avait pas un seul boeuf dans le Danube. Ils eurent du mal à s’en sortir. Le troisième envoya la maréchaussée à la recherche de Pierre. Ils l’arrêtèrent et traduisirent en justice. Le jugement tomba:
- Afin qu’il ne puisse plus nuire à personne, Pierre le tricheur doit être mis dans un tonneau dont le couvercle sera fermé. Ensuite, le tonneau sera roulé jusqu’au Danube. Que l’eau l’emporte loin d’ici!


Ainsi fut fait. Le tonneau flottait en plein milieu du Danube avec Pierre dedans. Il descendit doucement le fleuve jusqu’à ce qu’un homme l’aperçut.
- Que j’aimerais avoir ce tonneau! Il est bien grand, il pourrait me rendre service. Mais comment pourrais-je le récupérer? se dit-il.
Regardant le tonneau, il entendit du bruit en sortir. Il tendit l’oreille. C’était Pierre le tricheur qui criait à l’intérieur.
- Un type ignoble est sous-préfet à Buda, et il le sera toujours! cria Pierre le tricheur dans le tonneau.
- Qu’est-ce que vous racontez? Pourquoi parlez-vous du sous-préfet de Buda?
- Parce qu’on veut m’emmener à Buda pour que je devienne sous-préfet, mais moi, je ne veux pas.


Entre temps, l’eau emportait le tonneau vers la rive du fleuve. L’homme le tira de l’eau et en laissa sortir Pierre le tricheur qui lui dit:
- Ecoute-moi, bonhomme! Ne voudrais-tu pas aller à Buda à ma place? Tu aurais même le tonneau, en plus!
- J’ai déjà suffisamment travaillé dans ma vie, pourquoi ne pourrais-je pas devenir un notable, se dit gaiement l’homme. Il s’installa tout de suite dans le tonneau.
Pierre le tricheur l’enferma dedans, et roula le tonneau dans l’eau. Le tonneau commença à flotter dans la direction de Buda. Sifflotant une chanson joueuse, Pierre le tricheur continua son chemin au bord du fleuve.


Tout à coup, il aperçut un petit troupeau de porcelets dans la forêt, non loin du fleuve. Ne voyant personne alentour, il se mit à poursuivre ce joli troupeau. Il s’était déjà bien éloigné quand il entendit un galop de chevaux derrière lui. Il conduisit les porcelets au profond de la forêt, et il se mit sous un saule courbé bien penché au bord du fleuve. Il se mit en dessous comme s’il le tenait. Il gémissait même quand deux gendarmes à cheval arrivèrent à côté de lui.


- Hé, bonhomme! N’as-tu pas vu passer par là un troupeau de porcelets et un homme qui le menait? demandèrent-ils sans descendre de leurs chevaux.
- Bien sûr, bien sûr que je les ai vus. Mais c’était il y a déjà un bon moment! Depuis ils ont dû  arriver à la ville, répondit Pierre le tricheur.
- Alors poursuivons-les! crièrent les gendarmes.
- Cela ne sert à rien d’aller par là, vous ne pourrez plus les rattraper. Par contre moi, je connais un raccourci, en passant par ce chemin, je peux les pincer. Mais j’aurai besoin d’un cheval, et de quelqu’un qui termine mon travail, leur dit Pierre le tricheur.
- Et quel est ton travail? demanda le gendarme.
- Je soutiens ce saule plein de nœuds pour qu’il ne tombe pas. Si vous le faites à ma place, j’irai récupérer le troupeau de porcelets auprès des voleurs!


Les deux gendarmes moustachus se mirent sous l’arbre pour le soutenir avec leur dos. Pierre le tricheur monta rapidement sur le plus beau cheval aux  poils brillants, et partit au grand galop. En passant à côté d’un lac magnifique, il pataugea au bord de l’eau avec le cheval afin qu’il laisse les traces de ses sabots. Il découpa un morceau de touffe de sa queue, et avec un crochet à long manche, il le fixa au fond du lac pour qu’un petit morceau de queue sorte de l’eau.
Ensuite il galopa gaiement jusqu’à la ville où il vendit le cheval, et retourna à pied à l’endroit où il avait laissé les gendarmes.


Ils étaient toujours au même endroit et soutenaient le saule tordu. Ils n’osaient pas bouger ayant peur qu’il ne tombe. Quand ils virent de loin Pierre le tricheur, ils lui crièrent:
- Alors, où sont les porcelets? Où est le voleur? Qu’as-tu fait du cheval, toi, espèce de voyou?
- Ne me réprimandez pas! J’ai failli y laisser ma peau! Je n’ai rattrapé ni le troupeau, ni la personne qui les conduisait. Mon cheval s’est emballé en route et a sauté dans un lac. Si vous ne me croyez pas, allez voir vous-mêmes!
Ils y allèrent tous les trois.
- Accrochez-vous bien fort à la queue du cheval, il se peut que nous arrivions à le retirer du lac! dit Pierre le tricheur aux gendarmes.


Ceux-ci prirent la queue à pleines mains et s’y agrippèrent. Tout à coup le morceau de queue du cheval leur échappa des mains, et tous les deux tombèrent dans la boue. Leur vêtement était plein de vase, les gens qui passaient par là, se moquèrent d’eux.


C’est ainsi que Pierre le tricheur fut plus malin que les gendarmes. Il retourna dans la forêt où il récupéra les porcelets puis alla en ville et les vendit un bon prix.