Le personnage du roi Mathias


On considère le roi Mathias Corvin (Cluj 1440 - Vienne 1490)(de naissance Hunyadi) comme le plus grand roi de Hongrie. Il  régna entre 1459 et 1490, le pays était le plus grand que jamais pendant son règne.

(Je vous rappelle que les rois contemporains en France: Charles VII, Louis XI et Charles VIII)

Diplomate habile et excellent tacticien, il perfectionna les tactiques de cavalerie avec la création des hussards noirs mais faute de descendance légitime, son empire ne lui survécut pas et fut partagé à sa mort entre la couronne d'Autriche et l'Empire ottoman.
Il organise un régime centralisé, emploie des fonctionnaires d'origine bourgeoise.
Il était un roi humaniste qui a accueilli à sa cour les lettrés et les artistes venus d'Italie. L'influence italienne s'est accrue lorsqu'il épousa Béatrice d'Aragon, fille de Ferdinand Ier, roi de Naples.
Il fonde la première université à  Buda en 1465, et la première imprimerie en 1471.

Mais ce n'est pas à cause de ses conquètes militaires que le peuple s'en souvient avec autant d'amour de lui, même pas à cause de la plus grande bibliothèque des manuscrits de 10 000 volumes qu'il a réussie à créer à Buda. Cette bibliothèque était la plus grande à l'époque en Europe.

La représentation sympathique du roi Mathias dans les contes populaires hongrois remonte au siècle des Lumières. On trouve des anecdotes, des contes et des dictons qui, point de vue du folklore, sont considérés comme les „fruits” authentiques des collectes.
Cependant, les recherches actuelles ne sont pas capables de définir indiscutablement l’époque de la naissance du folklore Mathias. Il est aussi sûr que quelques décennies d'après sa mort, les légendes autour de son personnage étaient déjà formées. La chronique de Gàspàr Heltai, en 1575, résume ainsi:

„Sa vie durant, il était très orgueilleux, ambitieux, coléreux et insatiable. Il frappa la population d’ impôt et de droit de douane quatre fois par an. Par contre, après son décès, tout le monde dit du bien de lui parce que la paix commença à disparaître dans le pays. Et c’est à ce moment là que tout le monde commença à apprécier le roi Mathias. La phrase  se formula: Pourvu que Mathias revienne parmi nous même s’il faut payer des impôts sept fois par an.”


Les historiens ont démontré que le décès de Mathias était une césure nette et claire dans l’histoire et dans la vie culturelle de la Hongrie. C’est à cause de l’anarchie féodale et de l’incapacité pendant les règnes des rois  (Ladislas VI et de Louis II) qui lui succèdent que les mérites et les qualités de Mathias se révèlent plus que jamais. C’est surtout la couche sociale moins fortunée qui s'est rendu compte de ses qualités.

Ce sont les chroniqueurs, les auteurs des chartes qui nous laissent en héritage la phrase: „Le roi Mathias est mort, la justice est perdue.”

On peut donc en conclure que sa première qualité était: être juste. En plus de cette qualité, on voit apparaître dans les contes un roi qui sillonne le pays déguisé pour connaître la vraie vie de son pays. La justice rendue par Mathias servait l’intérêt de toute la nation.

Si on jette un coup d’oeil sur les contes du XVIe siècle, on peut souligner que déjà les premiers contes étaient caractérisés par une structure bien fermée, par la division en 3 parties et par l’usage des tournures répétitives. (P.ex.: Mathias parle 3 fois avec le juge.)

Selon les règles du folklore, le héros, après une série d’aventure, atteint son but. Les contes du roi Mathias correspondent à ces règles et se terminent par un rendement de justice: le bon est récompensé, le mauvais est puni. Cette fin avait pour but de renforcer l’image du roi qui était formée pendant le siècle des Lumières, c’est-à-dire l’image du roi idéal.

Le personnage du roi Mathias est présent dans les contes humoristiques et dans les anecdotes hongroises tandis que chez les slovaques et les croates, on le retrouve plutôt dans les balades, dans les chansons de geste, dans les dictons et proverbes.
Je souligne que les racines de l'image hongroise de Mathias se trouvent dans les anecdotes, mais il ne faut pas confondre l'image du roi Mathias et du roi des contes de fées.
Le personnage du roi déguisé se trouve par ailleurs dans le folklore international donc ce n'est pas une caractéristique typiquement hongroise. (Je cite l'exemple du Henri de Navarre en France par exemple.) Mais les aventures des autres rois ne montrent pas l'analogie directe avec les anecdotes de roi Mathias malgré le fait que les thèmes des anecdotes sont internationaux et que les réseaux de la transmission orale sont insondables.

La deuxième qualité de Mathias: il était un roi abordable. En accord avec l'image du souverain de l'époque de la Rennaissance, selon Bonfini, chroniqueur de Mathias, les pauvres, les mendiants pouvaient se présenter devant lui.

La popularité de Mathias a été renforcée par une autre image où c'est au roi que l'on donne la leçon. Dans un conte, collecté dans le département de Szabolcs, le roi Mathias déguisé en étudiant, va voir les bergers. Un berger invite le roi à manger.  Celui-ci l'accepte, mais pendant le repas, le berger remarque que le roi ne se sert que de la viande et laisse les pommes de terre. Le berger tape sur la main du roi avec une cuillère et lui dit:
„Ce n'est pas comme cela qu'il faut faire. Vous voyez bien qu'il y a des patates aussi dans le chaudron!” Le roi ne dit rien, car il voit bien que le berger a raison.

Cette anecdote très connue reflète bien l'approche paysanne et exprime en quoi consistait le secret de la popularité du roi: les gens simples ou pauvres l'aimaient, car il a pris place à leur table, il était présent dans leur vie, il a accepté volontiers leur sagesse, leur comportement normal, naturel et humain ainsi que leurs valeurs morales.

La troisième qualité: c'était un roi sage et intelligent
A partir du XVIe siècle, la sagesse, l'intelligence, le sens de la justice, le savoir de corriger une mauvaise décision ont été collés de plus en plus fortement au personnage du roi Mathias.

La quatrième qualité: le roi drôle qui aime la plaisanterie, il en fait lui-même.
Tibor Kardos, historien de la littérature hongroise au moyen âge, suppose que Galeotto Marzio, chroniqueur du roi, dessine l'image du roi sage correspondant aux attentes de l'époque.

Un exemple sur mon blog: Les questions du roi Mathias. On retrouve cette histoire avec peu de modifications chez les Slovaques ou chez les Ukrainiens. Dans ces contes, on lit les dialogues à comprendre au sens figuré ou au deuxième degré. En les lisant, du coup, on dirait qu'il y a un problème de traduction, car les premières phrases du premier dialogue n'ont pratiquement pas de sens, le dialogue semble être totalement incohérent. Exemple:

Le roi salua le paysan:
«Mes hommages, mon vieux!
-Je remercie ma femme, Majesté, répondit le paysan.»
Le roi enchaîna :
«Dis-moi, mon vieux, est-il encore loin le lointain?
- Ma parole, il est juste aux cornes de mon bœuf, Majesté!
- Dis-moi, mon vieux, combien faut-il jusqu'à trente-deux?
- Seulement douze, Majesté.
- Pour combien de sous travailles-tu?
- Pour cinq, Majesté.
- A quoi servent les cinq sous?
-Je vis de trois et j’en jette deux dans la boue.»

Cette sorte de sens de l'humour est une caractéristique majeure du folklore hongrois. Quelques exemples:

- Où est le centre du monde?
- L'endroit où le roi tient debout.

- Combien d'étoiles y a-t-il sur le ciel?
- Autant que brin d'herbe sur une prairie et point sur une feuille de papier

- Où se lève le Soleil?
- Pour Votre Majesté à Buda, pour moi à Cinkota (actuellement 1 quartier périphérique de Pest)

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