dimanche 17 février 2019

Le diable aux cheveux d’or

source:antikvarium.hu


Il était une fois, au-delà de tous les océans un couple. Ils étaient domestiques tous les deux.
Ils avaient un garçon. Un jour, le roi alla les voir et demanda au couple lui vendre leur fils. Le roi déclara qu’il payerait volontiers pour le garçon. Mais le père et la mère commencèrent à crier:

-Majesté! Majesté! Comment y pensez-vous? Comment serait-il possible de vendre notre enfant?

Ils tinrent parole, et ils ne vendirent pas leur enfant au roi qui rentra chez lui.
L’enfant grandit et grandit encore à tel point que ses parents qui étaient pauvres avaient du mal à subvenir à ses besoins. Un jour, ils s’en lassèrent, et ils mirent leur fils sur l’eau qui l’amena à un moulin où le meunier le pêcha. Il l’éleva jusqu’à ses quinze ans.
Le jeune homme était souvent au bord de l’eau. Un jour, le roi le vit et voulut l’acheter. Le roi alla voir le meunier et lui en proposa un certain prix. Le meunier dit:

-Cela m’est absolument égal, je vous le vends, Majesté!

Le roi le paya puis il donna une lettre au jeune homme pour que celui-ci l’amène à son épouse.
Ainsi fut fait. Il prit la route et arriva dans une forêt où des brigands l’attrapèrent. Ils confisquèrent la lettre et la lurent. Il était écrit:
-Il faut le décapiter.
Les brigands effacèrent la phrase et la remplacèrent par une autre:
-Donne-lui notre fille!
Ils rendirent la lettre au jeune homme, et ils le laissèrent partir.

Fatigué et déguenillé, il arriva au palais royal où il fut accueilli par la reine. Après avoir lu la lettre, elle expliqua à son jeune porteur qu’il allait se marier parce que le roi avait décidé de lui donner sa fille. Le jeune garnement se réjouit de savoir qu’il allait devenir un homme marié. Le mariage fut célébré, et le jeune couple menait sa vie.
Peu après, le roi rentra à la maison. Il constata que le jeune chenapan n’était pas mort, au contraire, tout se passait bien pour lui. Le roi se mit dans une colère terrible. Il ne prononça pas un traître mot de la journée. Il chercha dans sa tête une solution pour se débarrasser de son gendre qui manquait d’éducation.
Un jour, le roi entra dans la chambre de son gendre et lui dit:

-Ecoute mon fils, va chercher les trois cheveux d’or du diable et apporte-les, sinon tu auras des ennuis avec moi.

N’ayant pas le choix, le jeune marié dit adieu à sa belle épouse et alla de par le vaste monde.
Il marcha, il chemina tranquillement jusqu’à ce qu’il arrive à un puits gardé jour et nuit, par un gardien qui lui demanda:

-Où vas-tu? Saurais-tu par hasard ce qui est arrivé à ce puits? Avant il était plein de vin, maintenant il n’y en a plus.

Le gendre du roi répondit:

-Comment pourrais-je le savoir? Mais attends un peu! Il est possible que je puisse t’apporter des nouvelles.

-Sois gentil et fais le! répondit le gardien.

Le gendre du roi continua son chemin. Il arriva dans la cour d’un roi qui lui demanda:

-Fiston, saurais-tu pourquoi ce pommier est à sec? Il s’est complètement desséché. Auparavant, il donnait des pommes d’or, et maintenant plus rien.

Mais le pauvre, comment aurait-il pu le savoir? Il n’avait jamais vu quelque chose de pareil. Mais il promit de revenir avec des nouvelles.
Un jour, il arriva sur un grand terrain vague presque entièrement désert. Il le traversa jusqu’à ce qu’il arrive au bord d’un océan. Il y rencontra un batelier et lui demanda:

-Amène-moi de l’autre côté!

Il répondit:

-Je le ferai à condition que tu me dises pendant combien de temps je serai encore batelier.

Le gendre du roi lui promit de revenir avec la réponse, et le batelier l’amena de l’autre côté. Il continua son chemin, et arriva dans une grande forêt. Au milieu, dans un grand château, habitait le diable aux cheveux d’or.
Le gendre du roi entra et rencontra une très vieille femme. Elle était l’arrière grande-mère du diable.

-Qui cherches-tu? lui demanda-t-elle.

-Bonjour ma vieille! Je cherche le diable aux cheveux d’or. Est-il à la maison?

-Il n’est pas là mais dis-moi quel vent t’amène par ici? répondit la vieille dame.

Le gendre du roi lui révéla son identité et raconta que le roi lui demandait d’apporter les trois cheveux d’or du diable, que le gardien lui avait posé une question, que le roi l’avait interrogé sur son pommier et que le batelier voulait connaître le temps qui lui restait à faire.

-Très bien, tout ira bien! le rassura la vieille, et elle le transforma en fourmi.
Ensuite elle le cacha dans la lisière de son jupon.
Quelques minutes plus tard, le diable aux cheveux d’or arriva. A peine entré, il demanda à son arrière grande mère:

-Qui est-ce ici? Je sens l’odeur de quelqu’un…

La vieille hésita à lui répondre, elle tourna autour du pot:

-Je te jure qu’il n’y a personne.

Très fatigué, le diable bailla et s’étira. Il pencha la tête sur les genoux de la vieille et s’endormit aussitôt.

-C’est justement ça qu’il me faut! Je vais te soumettre à un interrogatoire! se dit la vieille.

Le diable aux cheveux d’or ronflait si fort que même les carreaux des fenêtres en tremblaient.
La vieille attendit encore quelques instants, ensuite elle arracha le premier cheveu d’or. Le diable gémit fortement et dit:

-Qu’est-ce qu’il y a, ma vieille?

-Rien, rien de rien mais il m’est venu à l’esprit que quelque part il y a un puits, il y avait du vin dedans. Maintenant il n’y a plus rien. Pourquoi? dit-elle.

-Pourquoi? Parce qu’il y a un crapaud dedans, dit le diable.

-Très bien, très bien, dors mon fils, répondit elle.

Le diable se rendormit. Son arrière grand-mère arracha le deuxième cheveu d’or. Le diable fit une grimace avec sa grande bouche plate comme une pelle.

-Ma vieille! Laissez-moi dormir! dit le diable.

-Tu sais mon fils, il m’est venu à l’esprit que quelque part il y a un pommier qui auparavant donnait des pommes d’or. Maintenant il est desséché. Pourquoi? demanda la vieille.

-Pourquoi? Parce qu’une souris ronge ses racines. Mais laissez-moi dormir, autrement je vais me fâcher, dit le diable.

-Dors mon fils, dors! répondit la vieille.

Elle avait déjà deux cheveux d’or, elle arracha le troisième.
Le diable bondit comme s’il était devenu fou.

-Ma vieille! Qu’est-ce que vous me faites? Je m’en vais si vous ne me laissez pas tranquille, dit le diable.

-Tu sais, il m’est venu à l’esprit qu’un batelier me demanda pendant combien de temps il sera encore batelier, dit la vieille.

-Pendant combien de temps?… Jusqu’à  ce qu’il ne cède pas à quelqu’un d’autre son aviron. Mais maintenant laissez-moi vraiment dormir! dit le diable.

-Bon d’accord! Dors, je te laisse tranquille, dit elle.

Elle put le faire facilement car elle avait déjà les trois cheveux d’or. Le diable dormit jusqu’au lendemain matin.
Après son réveil, le diable quitta la maison, et la vieille sortit la fourmi cachée sous la lisière de son jupon. Elle la transforma en homme, elle lui raconta ce que le diable lui avait dit, et lui donna les trois cheveux d’or.
Le gendre du roi la remercia de sa gentillesse, et il prit le chemin de retour.

Après avoir traversé l’océan, il dit au batelier:

-Eh bien, j’ai quelque chose à te dire.

Avant même de parler, il sauta hors de sa barque.

-Si tu arrives à céder à quelqu’un ton aviron, il deviendra batelier, et toi, tu seras libéré.

-Je te remercie de ta gentillesse à mon égard, répondit le batelier.

Ensuite le gendre du roi alla voir le roi dont le pommier était malade. Il annonça au roi qu’une souris rongeait ses racines. Pour le récompenser, le roi lui donna tant de pièces d’or que sa besace devint pleine.

Il continua son chemin, et rendit visite au gardien pour lui dire qu’il n’y avait pas de vin dans le puits parce qu’il y avait un crapaud dedans. La famille du gardien lui donna tant de pièces d’or qu’il eut du mal à les porter jusqu’à la maison.

Quand il fut arrivé,il remit à son beau-père les trois cheveux d’or du diable. Il vida aussi sa besace.

-D’où viennent ces pièces d’or? le questionna son beau-père.

Il raconta qu’au milieu de l’océan, il y avait une grande montagne, et là, n’importe qui pouvait ramasser autant de pièces d’or qu’il pouvait en porter.
Son beau-père fut encouragé par ces paroles et se dit:

-Ca alors! Le fiston s’est bien enrichi! Je tenterai ma chance moi aussi.

Ainsi fut fait. Il s’en alla mais il paya cher sa cupidité parce qu’il resta batelier sur l’océan.
Son gendre et sa fille vivaient heureux, et il se peut qu’ils soient encore en vie s’ils ne meurent pas entre-temps.



Collecte Jànos Berze Nagy dans son village natal (comitat Heves) en mars 1904