vendredi 13 juin 2014

La sorcière au nez de fer

Conte imaginé par Béla Tanko

Il était une fois un pauvre bûcheron. Il était tellement pauvre qu’il n’avait que la peau sur les os. Lui-même était déjà maigre, mais alors ses enfants ! Seigneur ! Ses enfants, non seulement n’avaient que la peau sur les os mais ils tombaient dès que la moindre brise soufflait.
Le pauvre bûcheron avait un chagrin immense, et son cœur se brisait à cause de ses nombreux enfants qui restaient souvent sur leur faim. Ils étaient aussi nombreux qu’il y a de trous dans une passoire. Alors, un beau jour, il se décida à mettre sa hache sur son épaule, il ne dit rien aux siens et s’en alla. Il ne savait pas où il allait, mais il avait la ferme intention de ne pas prendre de repos tant que son sort ne se serait pas amélioré. Il marcha, chemina par monts et par vaux jusqu’à ce qu’il arrive dans une forêt. La nuit tombait déjà, mais il ne s’arrêta pas. La forêt était immense, elle n’en finissait pas. "Cela m’est égal, pensa-t-il, je continue même si je dois aller jusqu’au bout du monde."

Tout à coup, il aperçut une faible lumière. Il s’arrêta, puis il continua son chemin dans la direction de la lumière. Il avança, et bientôt il se retrouva devant une maisonnette d’où la lumière venait. Il entra sans hésitation dans la petite maison. "Pas de regrets, pas même si le diable y habite, pensa-t-il, je rentre quand même." Mais il n’y trouva pas le moindre chat. La table a été joliment mise, il y avait des tas de bonnes choses à boire et à manger. Le lit aussi avait été  bien fait, mais il ne trouva pas âme qui vive dans la maisonnette.

"S’il n’y a personne, alors il n’y a personne", pensa-t-il. Il s’installa à table et mangea tant qu’il pouvait. Il voulait se rassasier au moins une fois dans la vie. Il mangea comme quatre !

Il avait encore une pipe de tabac, il l’alluma et fuma comme une cheminée. Tout à coup, il aperçut un grand chat noir assis devant lui sur la table! Il en fut très étonné, il n’arrivait pas à imaginer d’où sortait cette vilaine bête qui était laide comme un pou.
Le pauvre homme pensa la chasser, mais quand il songea à le faire, le chat n’était plus sur la table. Il avait disparu comme par enchantement.

"Ça alors, je n’ai jamais rien vu de pareil! Je ne l’ai pas vu arriver, je ne l’ai pas vu partir! Dieu seul le sait où je suis arrivé! C’est de la sorcellerie!" se dit-il.
«Tu as deviné juste, pauvre homme», dit une voix.

Sur ce, le pauvre homme eut vraiment peur. Devant lui il y avait une vieille femme laide, au nez de fer si long que celui-ci atteignait le sol. La terre résonnait chaque fois qu’elle frappait son nez avec le sol.
Le pauvre homme eut peur. Non seulement il n’avait pas vu arriver la vieille femme, de plus, elle devinait même ses pensées.

«Très bien, très bien, tu es venu dans ma maison, tu es venu au bon endroit, pauvre de toi. Je suis la sorcière au nez de fer, la mère du roi des diables. Mon fils va rentrer et il t’emportera en enfer», dit-elle.

Le pauvre homme s’agenouilla et supplia la vieille sorcière de lui laisser la vie sauve par pitié pour ses enfants qui resteraient sans parents et sans nourriture.

«D’accord, tu peux éviter l’enfer à condition que tu m’emmènes, moi aussi, dans ta maison. Tu vas m’épouser et tu verras, tu auras une belle vie. Je serai une bonne mère pour tes enfants, je serai aux petits soins pour eux», dit-elle.

Le pauvre homme fut tellement effrayé qu’il faillit tomber à la renverse. Il ne pouvait plus rien faire. Il dut consentir à emmener la vieille au nez de fer chez lui. Ils remplirent un grand sac de bonne nourriture, puis ils bourrèrent deux autres sacs avec de l’or et de l’argent. Ils les chargèrent le dos d’un âne, puis ils prirent la route du village.
Après une journée de marche, ils s’arrêtèrent dans la clairière d’une forêt pour boire, manger et se reposer. Le bon vin fit tourner la tête de la vieille dame. Le pauvre homme ne se le fit pas dire deux fois, il saisit sa hache et frappa la sorcière sur le nez qui se cassa en deux aussitôt. Elle hurla et ne put plus bouger puisqu’elle avait perdu toute sa force qui se trouvait dans son nez. Après ce coup terrible, le nez raisonna si fort que toute la forêt, et même l’enfer en furent ébranlés.
«Oh là là! Quelqu’un vient de casser le nez de ma mère. Je dois l’attraper!» s’écria le roi des diables.
Il sortit précipitamment de l’enfer comme s’il avait perdu la vue. Entre-temps, le pauvre homme qui ne restait pas inactif, enleva les sacs d’or et d’argent qui étaient sur le dos de l’âne et prit ses jambes à son cou pour rentrer à la maison au plus vite. Il entendit crier le roi des diables:

«Regarde derrière toi, pauvre homme ! Regarde derrière toi, tu ne le regretteras pas!»

Mais il ne perdit pas la raison, et il ne regarda pas derrière lui. Le roi des diables l’attrapa juste au moment où il rentrait dans la cour de sa maison.

«Hop-là! Ça y est ! Enfin, je t’ai eu, toi, malfaiteur! Tu mourras d’une mort terrible!» dit le roi des diables.
«Lâche-moi car dans cette cour c’est moi qui suis le maître!» répondit le pauvre homme.

Mais le roi ne le lâcha pas, au contraire, il le retint avec force.
Attirés par les cris, tous les enfants du pauvre homme sortirent de la maison. Ils furent heureux de revoir leur père et crurent que celui-ci apportait le diable pour le manger. Ils hurlèrent à pleins poumons :
«A moi le diable! A moi!»

Le diable fut effrayé. Il n’avait jamais vu un père avec autant d’enfants et trouva que c’était loin d’être une plaisanterie. Il se voyait déjà dévoré par tant de bouches affamées.
Ce fut à son tour de supplier le pauvre homme de lui laisser la vie.

«Va-t’en! Que Dieu te bénisse!» lui dit le pauvre homme.

Le roi des diables courut autant qu’il pouvait, il n’osa plus regarder en arrière. Pourtant le pauvre homme criait:
«Regarde derrière toi, diable! Regarde derrière toi, diable! Tu ne le regretteras pas!»

Grâce aux sacs d’or et d’argent, le pauvre homme devint riche et il vit heureux comme poisson dans l’eau avec ses enfants.



2 commentaires:

  1. Bonjour Andréa !
    Voici un bonjour de Nantes et d'Eliane de l'émission L'Oreillette à Lulu : tu te rappelles de moi ? Je viens de lire "La sorcière au nez de fer" : conte très inventif, rempli de symboles et de thèmes recurrents dans les contes : la pauvreté, la famine, une sorcière, un chat, le diable, l'argent etc. L'intrigue est toujours très bien construite, tous les détails comptent, c'est d'une logique implaccable avec un schéma narratif au cordeau !!! Bravo pour cette merveilleuse histoire et bonne continuation !
    Eliane

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  2. Bonjour Eliane,
    je me rappelle de toi, de mes aventures à Nantes,bien sûr. c'est un conte vraiment parfait si l'on peut dire. Bonne continuation à toi aussi. Andrea

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