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Il était une fois un pauvre tzigane. Il avait autant d’enfants qu’il y a de trous sur une écumoire. Il lui arriva assez souvent de n’avoir rien à donner à manger à ses enfants. Un jour dans son malheur il mit la hache sur son épaule et partit pour abattre le Seigneur qui lui avait donné beaucoup d’enfants, mais pas assez de nourriture pour ses pauvres petits innocents. Il marcha, chemina jusqu'à ce qu'il rencontre un très vieux mendiant. Il le salua poliment:
«Bonjour, mon vieux!
-Bonjour. Où vas-tu, pauvre homme?
-Où je vais? Je vais voir le Seigneur! Je veux l'abattre parce qu’il m’a donné tant d’enfant que je ne sais plus quoi faire avec eux. Non seulement qu'ils sont en guenilles, et en plus ils n’ont rien à manger», dit le pauvre tzigane.
«-Ne va nulle part, pauvre homme!» répondit le vieux mendiant. «Tiens, voici cette musette, je te la donne. Rentre à la maison et dis-lui:«Allez, ma musette, ouvre-toi!»
Le pauvre tzigane accepta la musette, remercia bien de sa bonté le vieil homme, et il rebroussa chemin. En cours de route il arriva à un puits. Il s’installa près du puits pour se reposer un peu. Il se dit:
«J’ai envie de voir ce qu’il y a dans la musette que le vieil homme m’a offerte!»
Il lui dit:
«Allez, ma musette, ouvre-toi!»
...Et ô miracle...elle contenait tant de nourriture et boisson qu’il ne savait plus quoi en faire. Quand il fut rassasié, il mit le reste dans sa musette et reprit son chemin vers la maison. Quand il rentra chez lui, il dit à sa femme:
«Écoute-moi, ma femme! Nous avons tant d’enfants qu’ils ne rentrent plus dans la pièce. Sors avec eux dans la cour, installe-les en demi-cercle et je m'en charge du reste!»
Quand toute la famille fut assise, il dit à sa musette:
«Allez, ma musette, ouvre-toi!»
Ainsi la musette leur donna à manger et à boire. Ils étaient très heureux. Un jour l’homme dit à sa femme:
«Va voir le roi et invite-le chez nous pour un dîner puisqu'il est le parrain d'un de nos enfants.»
Sa femme y alla, mais la garde ne la laissa pas entrer. Elle eut beau dire qu’elle souhaitait parler à Sa Majesté qui était son parrain, rien à faire. Les gardes annoncèrent au roi qu’une femme tzigane déguenillée voulait à tout prix lui parler. Le roi descendit à la porte et la femme lui transmit tout de suite l’invitation à dîner de son mari. Le roi se mit en colère, il la chassa et il lâcha même les chiens sur la pauvre femme.
Elle rentra chez elle accablée de tristesse. A la maison, elle se plaignit à son mari de la manière dont elle avait été accueillie, que le roi ne l’avait pratiquement pas écoutée, et que, en plus, il avait lâché les chiens sur elle.
«Sacrebleu! Qu’est-ce que tu as fabriqué?» gronda le mari sa femme.
«Retourne au palais royal et dis-lui que c’est moi qui l’appelle! S’il ne vient pas, il n’aura plus de place dans ma maison», dit le mari.
La pauvre femme retourna au palais royal, alla voir le roi et le supplia:
«Mon cher parrain! Mon cher roi! Votre Majesté!» dit-elle comme cela lui vint à l’esprit.
«Viens chez nous déjeuner, n’aie pas honte à cause de notre pauvreté! Si tu ne viens pas, mon mari va te bannir de notre maison.»
«Bon, d’accord! C’est bon! Demain j’irai déjeuner chez vous!» dit le roi.
La pauvre femme rentra chez elle et annonça à son mari que le lendemain le roi viendrait déjeuner. Ils mirent les enfants au grenier afin qu’ils ne soient pas dans leurs jambes.
Le lendemain le roi arriva.
«Bonjour parrain! Je suis là comme tu l’as souhaité!» dit le roi.
«Merci! Assieds-toi!» lui dit le pauvre homme en l’invitant à entrer.
«Ma femme! Rentre la musette!» dit-il à sa femme.
Ainsi fit-elle.
«Allez, ma musette, ouvre-toi mais sache que c’est le roi qui est devant toi!»
Elle prépara une table telle que le roi n’en avait jamais vue dans sa vie. Il y avait là de la viande rôtie, du cochon de lait farci de délicieux ingrédients et du boudin. Le roi resta bouche bée, secoua la tête, et même la couronne faillit tomber de sa tête.
«Mon cher parrain! Comment as-tu réussi à me faire une table pareille? N’as-tu pas peur que quelqu’un rentre chez toi et te vole la musette? Je te fais donc une proposition: donne-moi la musette et en échange je t’envoie tous les jours dix charrettes de viande de porc fumée, un bœuf, du sel et de la farine, enfin tout ce qu’il faut dans la cuisine. Ta femme aura tout ce qu’il faut, elle n’aura rien à faire que préparer les plats et les gâteaux. En plus, j’enverrai des vêtements à tes enfants en guenilles parce qu’il est vrai que la nourriture ne vaut rien s’ils vont nus», dit le roi.
Le pauvre homme ne se fit pas prier longtemps, il donna la musette au roi qui tint parole. Le pauvre homme était heureux parce que ses enfants ne sortaient plus nus. Le roi était très fier de la musette.
Un jour il proclama dans son pays que tout le monde était invité chez lui pour déjeuner. Il envoya un message au tzigane afin qu’il vienne lui aussi faire chauffer les poêles, ainsi il profiterait de bien des choses.
J’ai failli oublier de dire qu’au bout d’un moment le roi manqua à sa promesse, et qu’il n’envoya plus de nourriture, ni de vêtements aux indigents. Quand le pauvre père alla se plaindre, il ne le laissa même pas entrer. Il mit sa hache sur son épaule et retourna voir le Seigneur. Quand il le rencontra, il lui raconta ses ennuis: que ses enfants mouraient de faim parce que le roi ne leur envoyait ni nourriture, ni vêtements.
«Ne te lamente pas, cela n’en vaut pas la peine! Voilà une autre musette, elle va faire l’affaire aussi bien que l’autre!» dit le Seigneur.
Le pauvre homme remercia pour la musette, et il prit le chemin du retour. Quand il arriva au puits, il eut envie d’essayer la nouvelle musette et il lui dit:
«Allez, ma musette, ouvre-toi!»
Dès qu’il prononça ces mots, il sortit de la musette autant de badines qu’il y avait d’étoiles sur le ciel. Le pauvre tzigane reçut des coups de badines jusqu’à ce qu’il n’ait pas dit:
«Allez! Retourne dans la musette!»
Le pauvre homme fut ainsi sauvé. Mais il eut du mal à rentrer chez lui. Il se dit:
«Eh bien, maintenant je vais tester sur la famille ce que la musette sait faire!»
Le savoir de la musette était vrai. Les badines battirent bien les enfants, même quand ils montèrent dans le grenier.
Le pauvre homme prit la musette et alla au palais royal où se tenait un grand festin. Il rentra tout doucement sans être repéré et il échangea les musettes. Il donna l’ancienne à sa femme afin qu’elle rentre avec à la maison. Au palais, il y avait de la musique, des rois, des princes, des comtes, des barons qui se mirent à table et attendaient les services. A ce moment-là, le roi, qui était très fier, se leva et encouragea ainsi sa musette:
«Allez, ma musette, ouvre-toi!»
Il y eut un charivari infernal! Les badines tapaient les invités qui tentaient de se sauver par les portes et par les fenêtres. C’était presque au tour du roi quand le pauvre homme donna aux badines l’ordre de retourner dans la musette. Le roi fut tout de même déshonoré. Les pauvres tziganes vivent encore aujourd’hui s’ils ne sont pas morts entre-temps.
Conte tzigane, collecte de Sándor Sáfár
On dirait un mélange curieux de la mort pour marraine et du conte africain "Les araignées ".
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