Conte imaginé par Daniel Craymer(9ans) |
Comme je suis né avant ma mère, mon père, pour se préparer à ses propres noces, m’envoya au moulin pour faire scier la farine.
Je mis mes bœufs sur une voiture à cheval et j’attelai les sacs de blé au timon. Quand les sacs arrivèrent au moulin, ils virent que celui-ci était allé au café. Je plantai mon fouet dans le sol et j’allai chercher le moulin. Je le retrouvai au bord d’une rivière, il était en train de manger son casse-croûte au lard. Je lui donnai un coup de gourdin. Pour me rassurer, il se mit à forger la farine.
Pendant ce temps, un arbre poussant de mon gourdin, arriva jusqu’au ciel. Je cherchai autour de cet arbre mes bœufs qui étaient déjà grimpés à sa cime. Je les suivis, mais, Seigneur Dieu, il y avait mille étourneaux sur ses branches. Je les mis dans ma chemise et ils s’envolèrent avec moi. Quand nous volâmes au-dessus du Maros1, les femmes qui y lavaient leur linge, furent étonnées:
«Oh là là! Quel grand oiseau!» s’exclamèrent-elles.
Je crus comprendre que je devais desserrer mon pantalon. Ce fut fait. Les étourneaux s’échappèrent de sous ma chemise, moi par contre, je tombais vers le sol. J’avais sur moi une demie poignée de son, j’en torsadai vite une corde, ainsi je pus descendre plus doucement. Mais une souris rongea la corde. Je tombai dans le Maros. Des poissons en sortirent en si grande quantité que douze chars à bœufs ne pouvaient pas les porter. Un enfant tzigane mit les poissons dans les poches de son manteau et partit en courant.
Je m’extirpai du Maros en me tirant par les cheveux. Le temps que j’atteigne la berge de la rivière, j’avais perdu ma tête. Comment pourrais-je vivre sans elle? Sur quoi mettrai-je mon chapeau? J’en fabriquai vite une avec la boue. Heureusement parce que mon père me recherchait partout. Nous emportâmes la farine à la maison pour en faire la pâte du strudel2.
A ce moment-là, j’eus très faim. Dans notre cour, des chevaux pétrissaient de la pâte avec des œufs de moineau pour en faire des épis de maïs. Je cassai moi-même un œuf. Les moineaux qui se trouvaient sur le bord, étaient en train de picorer la coquille. Par malheur, je fis tomber dans l’œuf mon couteau. Comment pourrais-je le récupérer? J’arrachai mes sourcils pour en faire une échelle et je mis trois jours pour descendre. J’étais très malheureux, je pleurais la perte de mon couteau. Jusque tard dans la soirée j’errai au fond de l’œuf de moineau. Un hussard sans cheval s’approcha de moi. Il me consola en disant que lui, il cherchait depuis une semaine son cheval qui était parti pour paître dans l’œuf.
Alors mon père, étant très impatient, me fit dire par la fourche qu’il fallait que j’aille tout de suite chercher du vin au puits à balancier. Je sellai le cheval aubère, je montai sur le gris et je galopai sur le jaune. Le soir, je laissai paître la selle, je donnai à boire à la bride, et pour avoir un oreiller, je fourrai sous ma tête le cheval jaune.
Quand je fus réveillé, j’avais de nouveau faim. Je grimpai à l’arbre à concombre, et en le secouant je fis tomber tant de pommes de terre que beaucoup de carottes, de radis et de noisettes en tombèrent. Les écureuils arrivèrent et mangèrent ce que je voulais manger, moi-même. J’attrapai un écureuil par la queue. Son saut fut si grand qu’il me lança jusqu’au ciel étoilé où je n’étais jamais allé. Je me suis dit que puisque l’occasion se présentait, j’irai voir la femme de mon frère aîné. Elle était en plein travail. Elle raccommodait le fond du chaudron à confiture à l’aide de la flèche de l’église. Elle se réjouit de mon arrivée et en signe de reconnaissance, elle m’invita à manger une omelette qu’elle me jeta sur le dos. Elle la prépara avec des œufs de moustiques. Le reste que je ne pouvais pas manger, elle le tartina sur mes cheveux.
A peine eus-je fait un tour que je sentais déjà l’odeur des galettes au fromage blanc qui se préparaient en bas. Sept tailleurs affûtèrent le vêtement du marié qui faisait des étincelles partout.
La brioche fut taillée avec une bêche, le gâteau au chocolat caramélisé fut goudronné, les boulettes aux prunes furent rasées avec une hache qui avait couvé neuf petits.
J’eus très envie de partir puisque j’étais si attendu en bas que je risquais d’être oublié depuis longtemps. Je ramassai les moutons du ciel et j’en fis une échelle. Quand je mis mes pieds sur la terre, mon père était en train de dormir. Il était si en colère qu’il faillit mourir de rire. Il se demandait où j’étais passé depuis si longtemps puisque ma mère venait de naître. Il m’envoya chercher de l’eau pour un bain à la Tisza. Ce fut un été très chaud, l’eau de la rivière était gelée. J’ôtai ma tête pour en casser la glace, et je puisai de l’eau avec un tamis dans un sceau sans fond. Midi sonnait à minuit quand je rentrai à la maison où la fête des noces battait son plein, et je me mis à danser. Dans un coin de la pièce, le Danube, la Tisza, la Drave et la Save étaient ensachés, une ficelle leur servait d’appui avec une poignée de porte en bois sur chaque sac. Les musiciens jouèrent de la cithare de la musique de danse qui n’était autre que le chant des grillons. Quand j’arrivai au milieu des danseurs, je m’endormis. Mes éperons découpèrent les sacs du Danube, de la Tisza, de la Drave et de la Save et l’eau emporta la noce.
Je courus chez l’accoucheuse pour qu’elle me brode un crochet en forme de deux bras. Je traînai les noyés par leur nez. Depuis ce jour tout le monde a deux trous dans le nez.
Si vous ne me croyez pas, vérifiez par vous-même.
1 Le Maros est une rivière de 725 km de long environ. Il prend sa source est dans les Carpates Orientales en Roumanie. C’est un sous-affluent du Danube. Il rejoint la Tisza à Szeged, dans le sud-est de la Hongrie.
2 Spécialité pâtissière d’Europe centrale
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