Vous savez, il y a très longtemps, il y avait un grand saule tordu au bord de la rivière Szamos1 entre Csenger2 et Totfalu3. Il s'inclinait au point que son sommet n’était qu’à un empan de l’eau de la rivière.
Les gens allaient, venaient, vaquaient à leurs occupations autour de l'arbre, mais il n’était venu à l’esprit de personne que le saule pouvait avoir soif et qu’il serait bien de lui donner à boire. D'ailleurs, c’était sans doute la raison pour laquelle il était si penché. Mais dans son malheur, il ne pouvait atteindre l'eau, même en se faisant pousser des bourgeons.
Un jour, un pauvre homme passa par là et dit:
«Qu’est-ce qu’il peut avoir soif, ce pauvre saule!»
Il retourna à Csenger et demanda au juge de réunir huit autres personnes et ainsi former un groupe de dix hommes. Ensuite il proposa d’aller couper l’arbre, de le renverser dans la Szamos afin qu’il puisse s’imbiber d’eau et puis d’aller le remettre à sa place.
Les dix hommes y allèrent et se mirent à scier le grand saule. Celui-ci tomba dans l’eau. Il était déjà desséché et creux, aussi buvait-il l’eau de bon cœur. L’homme qui avait avancé cette idée dit:
«Vous voyez, Monsieur le Juge, comme il boit? Il devait vraiment avoir soif, le pauvre!
- Alors, laissons-le ici pendant une semaine. Nous reviendrons dans sept jours pour le sortir. Maintenant rentrons à la maison – dit le juge. Mais avant de partir, vérifions si nous sommes dix et assurons-nous que le grand arbre n’a pas emporté l’un d’entre nous avec lui dans l’eau.»
Le juge commença à compter, mais il ne se comptait jamais. Aussi recommença-t-il cinq fois, mais il trouvait toujours neuf. Il prit sa tête entre les mains, regarda vers le ciel et poussa un cri:
«Ohlala, l’eau a emporté l'un d'entre nous! Que vais-je faire? Je suis responsable de tous. Je ne rentrerai pas à la maison moi non plus, puisque nous avons perdu l’un des dix!»
Les autres se mirent à compter, ils ne retrouvèrent que neuf hommes, eux aussi. Le premier annonça qu’il ne rentrerait pas, lui non plus car il se sentait responsable de l’idée de venir ici et de donner à boire à l’arbre. A son tour, le dixième homme qui n’avait pas encore compté, s’y mit et dit:
«Vous savez, j’ai une idée! Égalisons ici la terre glaise, mettons-nous à plat ventre, fourrons tous le nez dans la terre glaise, ensuite nous allons compter le nombre de trou et nous allons savoir combien nous sommes.»
Ce fut ainsi. Ils se mirent à plat ventre et fourrèrent leur nez dans la terre. Cette fois, le compte était bon, il y avait dix trous. Ils sautèrent tous de joie:
«Nous sommes dix ! Ça y est ! Le compte est bon, nous sommes dix!»
Sur ce, ils rentrèrent à la maison et ils y sont encore s’ils ne sont pas morts entre-temps.
1 A prononcer "Samauche"
2 A prononcer "Tchènguère" – Ville de l’Est de la Hongrie
3 A prononcer "Tautfalou" – Ville de l’Est de la Hongrie
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