vendredi 17 mai 2013

Les deux boeufs miniatures

Source de l'image:www.mesekonyv.hu


Il était une fois un homme. Il était très pauvre, mais son voisin était plus pauvre que lui. L'un avait un fils, l'autre une fille. Les parents décidèrent de les marier. Un jour, la jeune femme dit à son mari:

«Il est vrai que vous n'êtes pas très papiste,1 mais essayez de jeûner un vendredi en espérant que le Bon Dieu vous fera un don.»

Le mari obéit à sa femme et le vendredi suivant, il ne mangea rien. Mais le Bon Dieu ne lui donna rien.

«Tant pis, ce n'est pas grave. Je vais aussi jeûner vendredi prochain», se dit-il.

Ainsi fit-il le troisième vendredi. Il se mit à jeûner si assidûment qu'il ne mangea rien les sept vendredis successifs. Pourtant, le Bon Dieu ne lui donna toujours rien au bout du septième vendredi non plus.

«Cela suffit! S'il avait voulu me donner quelque chose, il aurait déjà pu le faire», se dit-il.

Il réfléchit et un jour il dit à sa femme:

«Ecoute-moi ma femme! Prépare-moi quelques pogatchas2 parce que je veux rendre visite au Bon Dieu. Je veux savoir d'où vient le problème.»

Dès que les pogatchas furent cuits, le mari qui se mit en route. Vers midi, il arriva dans un champ où il rencontra un homme aux cheveux gris qui labourait un terrain en friche avec deux  boeufs. Ils étaient petits comme deux grains d'orge. Il salua le vieil homme qui lui demanda ce qui l'amenait là.

«Je souhaite rendre visite au Bon Dieu parce que j'ai jeûné sept vendredis et il ne m'a pas récompensé. Je voudrais savoir pourquoi il ne m'a rien donné.
-Ne te tourmente pas! Par contre, je te donne ces deux petits boeufs qui vont te rendre service, mais ne les vends jamais à personne pour tout l'or du monde.»

Le mari rentra à la maison avec les bêtes. Le lendemain, il alla avec elles dans la forêt. Il fabriqua sa charrette de bric et de broc: un voisin lui donna une roue, un autre un timon et le troisième un essieu. Quand il eut fini d'assembler la charrette, il n'osa la charger que de deux morceaux de bois parce qu'il ne faisait pas confiance à ses petits boeufs. Quand il donna le signal du départ, l'un des boeufs dit:

«Alors, mon maître, pourquoi n'avez-vous mis que deux morceaux de bois? Vous pouvez charger la charrette à fond parce que nous avons honte d'aller au village avec si peu de chargement.»

Le pauvre homme hocha la tête, et il se décida à charger davantage la charrette.
En sortant de la forêt, il rencontra le comte et le juge du village. Ils étaient très étonnés de voir la charrette chargée de la sorte et tirée par les deux petits boeufs. Le comte demanda au pauvre:

«Dis-moi, combien les vends-tu?
-Je ne les vends pas, Monsieur le Comte!» répondit le pauvre homme.

Le comte se mit en colère et dit au pauvre homme que si au cours d'une journée il ne défrichait pas le champ, il ne labourait pas et ne hersait pas la terre, il lui confisquerait les boeufs.
La pauvre homme s'abandonna à son chagrin. Il ne savait pas quoi faire.

«Ne soyez pas triste, mon Maître! Allez, procurez-vous les pièces nécessaires au montage d'une charrette, nous nous occuperons du reste!» dit l'un des boeufs.

Ainsi fit-il. Il réussit à rafistoler la charrette. Ils allèrent aux champs et l'un de ses boeufs lui dit:

«Maintenant, ne faites rien, mon Maître, allongez-vous, dormez si vous voulez, nous nous occuperons du reste!»

Le pauvre homme obéit: il se coucha par terre et s'endormit aussitôt. Quand il se réveilla, la terre était labourée. Il alla chez le juge et annonça qu'il venait de finir le travail. Le juge et le comte allèrent voir les lieux et ils ne trouvèrent à rien à reprocher.

«Alors, mon pauvre homme, dit le comte, sache que si tu ne rentres pas la récolte sur mon terrain en une journée, je te confisquerai les boeufs.»

Le pauvre homme s'abandonna de nouveau à son chagrin, mais l'un des boeufs le consola ainsi:

«Ne soyez pas triste, mon Maître! Allongez-vous dans le sillon, dormez si vous voulez, nous nous occuperons du reste!»

Ainsi firent-ils. Pendant la journée ils récoltèrent le fourrage. Ils entassèrent les meules de foin si haut que le pauvre homme avait mal au cou quand il les apercevait. Quand ils arrivèrent au château, la pauvre homme rentra chez le comte et lui dit:

«Monsieur le Comte, je suis arrivé avec la récolte, mais si vous ne faites pas tourner le château, nous ne pourrons pas rentrer dans la cour.»

Le comte attendait impatiemment que le pauvre homme termine sa phrase et il le jeta dehors en le frappant. Quand les boeufs virent cela, ils bougèrent à peine la charrette et le château fut tout de suite renversé. Le comte était très contrarié.

«Ecoute-moi, mon pauvre homme! Si tu ne nous fais pas entrer, moi et le juge en enfer, je te confisquerai les boeufs et toi, tu finiras mal. Je veux voir l'enfer, le monde qui est là-bas.» dit le comte.

Le pauvre homme s'abandonna de nouveau à son chagrin. Comment les transporter en enfer quand lui-même n'y était jamais allé? L'un de ses boeufs lui dit:

«Ne soyez jamais triste à cause de cela, mon Maître! Ils méritent, tous les deux, cet endroit. Il est fait pour eux!»

Sur ce, le pauvre homme s'arrêta avec la charrette devant le comte et le juge qui y prirent place. Et les deux petits boeufs se dirigèrent vers l'enfer. La nuit était tombée quand ils arrivèrent devant l'entrée de l'enfer. Les boeufs prirent l'élan pour franchir la porte qui s'ouvra immédiatement. Le comte entra le premier et le juge le suivit.

«Alors, mon Maître, maintenant enfermez-les!» proposa l'un des boeufs.

Ainsi fit-il. Ni le comte, ni le juge n'en sortirent plus jamais. Le pauvre homme vit heureux encore aujourd'hui avec sa femme et ses boeufs s'ils ne sont pas morts entre-temps.



1 Nom que les protestants donnaient aux catholiques romains
2 Provisions de voyage: sorte de fougasse de la taille d'une tartelette


2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Oui je trouve que cette histoire est cool et plaisante à lire. J'aime bien le contexte et la façon dont l'auteur a écrit cet agréable récit.

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