vendredi 22 novembre 2013

Le père adoptif

Tableau de Cecilia Papp 


Il était une fois trois frères. Ils étaient orphelins, ils avaient perdu leur père et leur mère depuis longtemps. Ils n'avaient rien, ni une maison, ni un lopin de terre. Un jour, ils décidèrent de partir travailler comme serviteurs. Sur le chemin, un vieil homme avec une barbe blanche, arriva en face d'eux:

«Où allez-vous, mes enfants?» demanda-t-il.
«Nous partons chercher quelqu'un qui nous prendrait à son service», répondirent-ils.
«Pourquoi? Vous-mêmes, vous n'avez pas de terre à cultiver?» demanda le vieil homme.
«Non, nous n'avons rien. Mais si un brave homme nous engageait, nous serions ses fidèles serviteurs. Nous serions très obéissants, nous le respecterions comme s'il était notre propre père» répondirent-ils.

Le vieil homme dit:

«D'accord. Si cela vous convient, soyez mes fils, et moi, je serai votre père. Si vous m'obéissez, je ferai de vous des hommes, je vous apprendrai à vivre afin que vous soyez toujours fidèles à la justice.»

Les trois frères acceptèrent la proposition du vieil homme et ils partirent tous ensemble. Ils allèrent par monts et par vaux quand ils aperçurent une petite maison blanche dans une clairière. De jolies fleurs et des cerisiers entouraient la petite maison. Une jeune fille sortit de la maison. Elle était belle comme une rose. Le frère aîné lui jeta un coup d'oeil et dit:

«Oh, si seulement je pouvais épouser cette belle fille et j'avais beaucoup de boeufs et de vaches!»

Le vieil homme répondit vivement:

«D'accord, mon fils. Donnons un grand repas de noces! Tu auras la fille et tu auras des boeufs et des vaches aussi. Sois heureux mais n'oublie jamais la justice!»

Le frère aîné demanda la fille en mariage et ils donnèrent un grand repas de noces. L'aîné devint le maître de la maison. Il resta là à cultiver la terre et à gérer la propriété.
Le vieil homme continua son chemin avec les deux autres frères. Ils arrivèrent de nouveau devant une belle maison. Près d'elle, se trouvaient un moulin et un petit étang. Une belle fille s'activait dans le jardin. Le frère cadet lui jeta un coup d'oeil et dit:

«Pourvu que je puisse épouser cette jeune fille! J'aurais de plus, un moulin et un étang. Je ferai du pain moi-même jusqu'à la fin de ma vie!»

Le vieil homme répondit vivement:

«D'accord, mon fils. Comme tu veux!»

Ils entrèrent dans la maison, demandèrent la fille en mariage. Ils donnèrent un grand banquet de noces. Avant de quitter les jeunes mariés, le vieil homme dit:

«Eh bien mon fils, sois heureux mais n'oublie pas la justice!»

Ils n'avaient plus qu'à continuer la route, le vieil homme et le benjamin. Ils marchèrent, cheminèrent jusqu'à ce qu'ils aperçoivent une petite maison en piteux état. Une très belle fille en sortit. Elle était aussi belle qu'une étoile mais aussi pauvre qu'un rat d'église. Le benjamin soupira ainsi:

«Si je pouvais l'épouser, nous travaillerions ensemble, nous aurions du pain, mais nous n'oublierions pas les pauvres gens: nous aurions de quoi manger, et nous leur en donnerions, à eux aussi.»

Le vieil homme répondit:

«Très bien, mon fils. Ce sera ainsi. Mais n'oublie jamais la justice!»

Le vieil homme maria le benjamin et il partit dans le vaste monde. Le temps passa. Les trois frères vivaient en paix. L'aîné devint si riche qu'il se fit construire plusieurs maisons, il mit de côté de grandes quantités de roubles et il n'avait qu'une idée en tête: comment en gagner plus. Il ne pensa jamais à aider les pauvres, il était trop avare pour cela. Le frère cadet s'enrichit également. Des valets de ferme travaillaient à sa place, il n'avait qu'à se  dorer au soleil, manger, boire et donner des ordres. Par contre, le benjamin partageait tout ce qu'il avait  avec les autres.

Le vieil homme alla dans plusieurs pays du monde. Un beau jour il revint pour voir comment vivaient ses fils et pour savoir s'ils restaient fidèles à la justice. Il alla chez son fils aîné vêtu comme un pauvre en guenilles. Quand il arriva, son fils se promenait dans la cour. Il s'inclina devant lui et dit:

«Aie pitié de moi, donne-moi l'aumône!
-Et quoi encore! Tu n'es pas encore si vieux, si tu veux, vas donc travailler. Moi-même je viens de m'en sortir ainsi!» répondit l'aîné ne reconnaissant pas son père adoptif.

Il avait bien des maisons en pierre, des meules, des silos à grains, des réserves pleines de bonne nourriture et évidemment, beaucoup d'argent... mais il ne lui fit pas la charité... le vieil homme s'en alla, il fit environ mille pas, il s'arrêta, regarda en arrière la maison et toute la propriété de son fils et tout s'enflamma.

Il alla chez son fils cadet. Il vit un beau moulin à côté d'un étang entouré d'une belle propriété. Son fils était assis dans le moulin. Le père s'inclina devant lui et dit:

«Donne-moi un peu de farine, je suis très pauvre, je n'ai rien à manger!»
«Désolé mais je n'ai même pas moulu pour mes propres besoins, donc encore moins pour toi. Beaucoup de gens dans ton genre passent par là!» répondit le jeune homme.
Le vieil homme sortit du moulin, s'éloigna un peu de la maison, puis il regarda en arrière et le moulin s'enflamma.

Il arriva chez son troisième fils qui vivait chichement. Sa maison était petite mais propre. En y arrivant, le père se transforma en un pauvre vieux en guenilles.

«Donnez-moi un bout de pain!» dit-il.
«Rentre dans la maison, tu y trouveras de quoi manger. Ma femme va même te préparer un casse-croute pour la route», répondit le jeune homme.

Il rentra dans la maison et quand la jeune femme vit ses vêtements miséreux, elle eut pitié de lui. Elle alla tout de suite lui chercher un pantalon et une chemise dans son débarras. Le vieil homme les mit aussitôt. Pendant qu'il se changeait, la jeune femme aperçut une plaie profonde sur sa poitrine. Le jeune couple fit asseoir le vieil homme à table, ils lui donnèrent à manger et à boire. Après le repas, le jeune homme s'adressa ainsi à son hôte:

«Dis-moi, vieil homme, d’où vient cette plaie sur ta poitrine?
-Malheureusement c’est une plaie qui mettra bientôt fin à ma vie. Je n’ai plus qu’un jour à vivre», répondit le vieux.
«Quelle mauvaise nouvelle! Et il n’existe aucun remède pour la soigner?» demanda la jeune femme.
«Si, il y en a un mais personne ne me le donne bien que n’importe qui puisse le faire.
-Pourquoi ne le ferait-on pas? Si vous connaissez le remède, dites-le nous!» insista le jeune homme.
«Ce remède est tel qu’il demande au propriétaire d’incendier tout ses biens et qu'ensuite il verse les cendres sur ma plaie pour la guérir. Mais crois-tu qu’il existe au monde quelqu’un qui serait capable de le faire?» répliqua le vieil homme.

Le jeune homme réfléchit longuement, puis il s’adressa à sa femme:

«Et toi ma femme, qu’en penses-tu?
-Je pense que nous pourrons acquérir une autre maison mais si cet homme meurt, il n’aura plus jamais une autre vie», répondit la jeune femme.
«D’accord! Si c’est ton avis, sors avec les enfants de la maison!» dit le mari.

Ainsi fut fait. Le jeune homme jeta un dernier regard sur sa maison qu’il regrettait beaucoup mais il avait plus de regret pour la vie du vieil homme. Il incendia sa maison qui brûla entièrement. Mais à sa place, une autre maison apparut, une belle et magnifique maison. Le vieil homme n'arrêtait pas de rire:

«Je vois mon fils qu’entre vous trois, c’est toi seul qui es resté fidèle à la justice. Sois heureux et réussis dans ta vie!»

Et c’est à ce moment-là que le jeune homme reconnut son père adoptif. Il alla vers lui mais il avait disparu et il ne trouva plus sa trace.


Conte ukrainien

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