samedi 12 janvier 2013

Le gardien d'oies Mathias



Conte imaginé par Emily (7 ans)
Il était une fois une femme très pauvre qui avait un fils. Il s'appelait le gardien d'oies Mathias car il ne faisait rien d'autre que garder les oies de sa mère.
Un jour celle-ci dit à son fils:
«Va Fiston à la foire de Döbrög1 et vends seize oies là-bas. Demande au moins deux kreutzers2 pour deux oies, autrement je t'assure que tu vas voir ce que tu vas voir!»

Mathias fit entrer seize oies à la foire à Döbrög. A peine fut-il arrivé que le seigneur du lieu apparut devant Mathias et lui demanda:
«Combien valent deux oies, fiston ?
- Deux kreutzers, répondit Mathias.
- Comment ? Deux kreutzers ? Un suffira.
- Certainement pas ! dit Mathias. Au dessous de deux kreutzers je ne les vends pas même si c'est le roi qui le demande.
- Et puis quoi encore ? Je te donne tout de suite deux kreutzers.»

Le seigneur fit signe à ses gens d'armes de faire rentrer les seize oies dans sa cour. Les gardes ligotèrent Mathias qui reçut une raclée ! Vingt-cinq coups de bâtons sur le dos !

«Maintenant tu peux rentrer chez toi, dit le seigneur.
- Et l'argent? demanda Mathias en pleurant.
- Ce n'était pas assez? Encore une série de vingt-cinq!», ordonna le seigneur.

Les gens d'armes obéirent.
Après avoir reçu la deuxième série de raclée, en quittant la cour du seigneur, Mathias se retourna et le menaça:
«Retenez bien, Seigneur que la gardien d'oies Mathias vous rendra trois fois les coups de bâtons!»

Le seigneur rit de bon cœur, et fit peu état des menaces de Mathias.
Le temps passa, une année après l'autre. Mathias devint un jeune homme et il changea complètement.
Un jour, il entendit dire que le seigneur construisait un château. La pensée lui vint de se déguiser en maître charpentier. Il alla dans la ville, se dirigea directement dans la cour du seigneur. Il commença à arpenter et examiner les poutres en secouant la tête. Le seigneur s'approcha de lui et dit:

«Que regardez-vous sur ces poutres?
- Je suis venu d'un pays étranger, je suis maître charpentier, j'ai parcouru beaucoup de pays, j'ai vu construire plus d'une centaine de poutres, les unes plus belles que les autres. Mais permettez-moi de vous dire que la qualité de ce bois ne convient pas. Ici il faudrait mieux que cela.
- Si ce n'est que cela, dit le seigneur, dans ma forêt j'ai des arbres plus beaux que ceux-ci, allons-y, choisissons-en!»

Il détacha tout de suite cent bûcherons munis de haches, il monta avec Mathias dans le carrosse et ils se dirigèrent vers la forêt.
Sur place Mathias choisit les arbres à découper. Les bûcherons se mirent au travail. La forêt en trembla de tous ses arbres.
«Seigneur, je vois vraiment de beaux arbres ici, dit-il, mais je n'ai pas encore vu celui dont on aurait le plus besoin.
- Allons plus au fond», dit le seigneur.

Ils pénétrèrent bien loin dans la forêt en s'éloignant des autres. Quand ils n'entendirent plus le bruit des haches, Mathias s'arrêta devant un arbre. Il le regarda, l'examina, se frappa le front et entoura l'arbre de ses bras.
«Alors, dit-il, je crois que celui-ci ira bien. Venez Seigneur, entourez-le de vos bras, vous aussi.»

Le seigneur obéit et Mathias n'en voulait pas plus. Il attacha les poignets du seigneur et lui administra une raclée de cinquante coups de bâtons. Quand il eût fini, il ricana et dit:
«Je ne suis pas maître charpentier. Je m'appelle le gardien d'oies Mathias. Vous rappelez-vous ma promesse? Retenez bien, je vais vous frapper encore deux fois.»

Ainsi parla-t-il. Puis il quitta le seigneur et rentra chez lui.
Le seigneur ne fut retrouvé par ses bûcherons que vers le coucher du soleil. Après cette raclée, il tomba malade à tel point que les médecins ne surent plus comment le soigner. Ils firent appeler des quatre coins du monde des confrères mais aucun ne fut capable de le guérir.

Mathias apprit cette nouvelle. Il se déguisa en médecin et monta dans le château. Il se présenta comme grand médecin d'un pays étranger capable de faire des miracles en échange d'une bonne rémunération. L'entourage du seigneur en fut heureux, et l'amena devant le malade.
«Dans un jour je vais vous guérir. Que tout le personnel dont vous disposez aille dans la forêt et ne revienne qu'avec les plantes aux vertus magiques que je demanderai. Que vos gens cueillent tout ce qu'ils trouvent!» ajouta-t-il.

Le seigneur ordonna cela et même les enfants sortirent dans le bois. Nul ne resta dans le château. Et Mathias ne se le fit pas dire deux fois. Il sortit sa baguette et fouetta bien le seigneur.

«Je ne suis pas médecin, Seigneur, je m'appelle le gardien d'oies Mathias. Vous rappelez-vous ma promesse? Je vous dois encore une rossée! Mais je vous assure que je ne demeurerai pas en reste.»
Le temps passa, une année suivit l'autre sans que Mathias se rende dans la ville. Quand son histoire avec le seigneur commença à tomber dans l'oubli, il se déguisa en marchand de chevaux et alla à la foire de Döbrög.
Il fit le tour des étals, écouta les gens marchander. Il s'arrêta de temps en temps devant les chevaux et discuta leur prix, lui aussi. A un moment, il entendit vaguement qu'un homme avait deux beaux chevaux mais qu'il n'arrivait pas à les vendre car ils étaient poussifs, tous les deux. Il s'approcha de l'homme et lui dit: «Écoutez, je les achète à condition que vous criiez après le seigneur quand il arrivera: «C'est moi qui suis le gardien d'oies Mathias.»
- Si ce n'est que votre seul souhait, je le ferai avec plaisir», dit l'homme.

L'affaire fut conclue : ils se serrèrent la main et Mathias acheta les chevaux. En plein milieu de la foire, le carrosse du seigneur arriva.
«Tenez, il arrive là-bas, dit Mathias. Criez après lui : «C'est moi qui suis le gardien d'oies Mathias» et courez loin tout de suite.
- Vite, vite! ordonna le seigneur au cocher et au haïdouk. Dételez les chevaux et ramenez-moi ce voyou!»

Quand le cocher et le haïdouk s'en allèrent, Mathias, d'un bond fut à côté du carrosse et administra une raclée de vingt-cinq coups de bâtons au seigneur.
Après le dernier coup, il cria ainsi après le seigneur:
«C'est moi qui suis Mathias L'Oie, pas lui! J'ai tenu parole, n'est-ce pas? Je vous ai battu trois fois pour les oies!»

Et, je vous le dis, si Mathias avait battu encore une fois le seigneur, mon conte aurait duré plus longtemps.


1 A prononcer "Deubreugue"
2 Ancienne monnaie autrichienne et hongroise


7 commentaires:

  1. Bonjour,
    Bravo pour votre blog et vos contes et légendes traduites !! J'anime une émission de lecture de contes et légendes sur la radio associative nantaise ALTERNANTES FM : me permetriez vous de lire à l'antenne une ou plusieurs de vos histoires (en vous citant bien évidemment) ?
    Bonne continuation !

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    1. Madame,
      Merci pour vos compliments et c'est avec plaisir que je vous permets de lire une ou plusieurs contes à l'antenne de votre association.
      Andrea

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    2. Madame,
      J'ai lu avec attention tous les contes de votre blog : bravo !! Comme promis, j'en ai choisi deux que j'ai lus à l'antenne, dans mon émssion "L'oreillette à Lulu", sur Alternantes fm (radio associative qui émet sur Nantes et Saint Nazaire en Loire Atlantique). Cette émission passera sur les ondes cette semaine (3 et 6 mars 2013), et est aussi disponible à écouter en podcast quand vous le voulez sur mon blog : http://oreillettealulu.typepad.com/blog (C'est l'émission N° 221).
      Bonne continuation à vous !

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    3. Merci Madame pour vos nouvelles. Je vais suivre votre indication et je vais écouter votre émission.

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  2. Merci madame pour cette initiative de rendre en français et proposer aux lecteurs des contes et légendes hongrois.

    Cependant si je peux me permettre, vous pourriez faire d'une pierre deux coups, et offrir aux apprenants hongrois - ainsi d'ailleurs qu'à toutes les personnes intéressées par la culture hongroise et connaissant la langue ou se donnant la peine de l'apprendre -, de disposer au moins en notes de fin de page, le titre hongrois des traductions proposées, et lorsque c'est possible, l'auteur (sinon peut-être tout à fait original) qui a repris de façon notoire le texte.

    Concernant "Le gardien d'oies Mathias", le titre original est "Lúdas Matyi" http://hu.wikipedia.org/wiki/L%C3%BAdas_Matyi_%28k%C3%B6ltem%C3%A9ny%29
    Ainsi le lecteur ou chercheur pourra-t-il retrouver un texte approchant en hongrois:
    http://www.nepmese.hu/mesetar/Mes%C3%A9k/Ludas-Matyi/details

    Personnellement, je me souviens avoir aidé une apprenante à comprendre le texte de Illyés Gyula:
    ftp://www.creativecommons.hu/Language/Hungarian/Crawl/MEK/mek.oszk.hu/00600/00680/00680.htm#14
    qu'à priori vous semblez reprendre (si je me fie à une rapide lecture comparative)

    Vos notes sont intéressantes. Toutefois, ici, pour la note 1, il vaudrait mieux la faire précéder de "à prononcer: ---", car sinon on se demande un peu de quoi il s'agit. Et je vous suggère un lien rapide pour éclairer le sens et l'histoire des Haïdouk http://fr.wikipedia.org/wiki/Ha%C3%AFdouk - qui bien sûr ici est un soldat attaché au Roi.

    En espérant avoir contribué utilement (sans vous faire ombrage) et que ma suggestion vous agréera au moins pour ce qui concerne le titre original hongrois, recevez madame tous mes encouragements.

    Michel Jean (Un modeste lecteur bilingue - qui s'essaie à rendre en fr certains écrits de poètes hongrois comme Arany, Petôfi, Babits, Radnoty et d'autres, dans un blog pour l'instant d'accès privé).

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  3. Merci pour votre commentaire très riche en suggestion.
    Andrea

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  4. Bonjour, votre blog m'a permit de retrouver le nom d'un dessin animé de mon enfance ; Mathieu l'astucieux
    http://www.eighties.fr/da-jeunesse/686-matheiu-l-astucieux.html
    Bonne continuation et merci

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