Conte imaginé par Endre Stankowsky |
«Alors, Mon Dieu, s'étonna-t-il, qu'est-ce que cela peut bien être?»
Il avait déjà vu dans sa vie des citrouilles longues à cuire dans l'eau mais jamais une qu'il fallait cuire dans le four.
Il le ramassa, le tâta longuement de tous les côtés, ensuite il le sentit. Tout seul, il était incapable de deviner ce que c'était. Il pensa qu'il valait mieux le porter à la Maison communale où les conseillers étaient en train de réunir. Le garde champêtre déposa la citrouille sur la table devant eux. Les braves édiles étaient tous ahuris. Ils la regardèrent pendant longtemps sans rien dire, ensuite ils se regardèrent d'un air interrogatif.
Le conseiller le plus âgé et le plus sage rompit le premier le silence:
«J'ai déjà vu beaucoup de choses mais jamais une telle création du Bon Dieu. Qu'est-ce que cela peut bien être?»
Un autre qui atteignit un grand âge, dit:
«J'ai eu, moi aussi, beaucoup d'avatars mais je n'ai jamais mangé quelque chose de pareil.»
Il se tourna d'un air dubitatif vers son collègue qui était un peu plus jeune que lui. Il dit:
«En ce qui me concerne, je ne suis pas né aujourd'hui, moi non plus, mais je ne sais pas ce que c'est, ce truc bizarre. Mais le juge est là, lui, il doit le savoir.»
Ce fut le tour du juge:
«Alors, mes Chers Compères, comme la forme montre, cela ne peut être qu'un oeuf.»
Sur ce, la lumière se fit subitement dans l'esprit des autres également.
«Bien sûr que c'est un oeuf! Qu'est-ce que cela peut être autre qu'un oeuf!»
Le garde champêtre se rappela même que l'oeuf était encore chaud quand il le ramassa.
Ce n'était pas pour rien que le juge se crut très intelligent. Du coup, il voulut savoir de quel oeuf il s'agissait.
«C'est l'oeuf d'une vouivre», dit le plus âgé.
«C'est l'oeuf du vampire.»
Mais le juge écouta plutôt le garde champêtre qui dit qu'au moment où il trouva l'oeuf, il y avait un animal à quatre pattes très étrange qui rodait dans la région. Il courait vite, il avait une crinière et une queue poilue.
A cette époque là, le cheval était rare dans la région de Rátót. Les paysans labouraient la terre avec charrue à boeuf. Ils transportaient tout et même, ils allaient au repas de noces en charrette tirée par un boeuf.
Mais le juge avait déjà vu cheval et poulain. Il cria:
«Un poulain! C'est un poulain qui l'a pondu.»
Les vieux commencèrent à murmurer, eux aussi.
«C'est ça! C'est le poulain qui l'a pondu. Qui d'autre aurait pu nous pondre un truc pareil?»
Sur ce, ils furent tous d'accord.
«Jusqu'ici tout va bien. Mais dites-moi, chers Compères, que devons-nous en faire?» demanda le juge.
«Nous allons le mettre à couver!
-Mais qui va le faire? Nous n'avons pas de chevaux!»
Tout le monde se creusa la tête. Mais seul le juge qui avait des idées.
«Vous savez quoi, Chers Compères? Je suis d'avis que nous le fassions, nous-mêmes.»
Ils furent tous d'accord.
Pour montrer l'exemple, c'est le juge qui s'assit le premier sur l'oeuf. Ensuite ce fut le tour des autres, suivant leur âge, l'un après l'autre. Chacun fit un jour comme une poule couveuse couve ses oeufs.
Peut-être même aujourd'hui l'un d'entre eux serait encore assis sur la citrouille si dans le village voisin une rumeur n'avait pas couru selon laquelle les conseillers de Rátót avaient laissé pourrir l'oeuf de poulain puisque le poussin n'était pas éclos.
Les rumeurs arrivèrent jusqu'aux oreilles des conseillers qui commencèrent à rouspéter. Ils ne voulurent plus couver l'oeuf de poulain de quiconque.
Le juge fut attristé. Il crut dur comme fer que le poulain gigotait déjà à l'intérieur de l'oeuf. Il le secoua, il le renifla. Il le fit flairer aux conseillers aussi. Mais eux étaient incrédules. D'après leur odorat, l'oeuf sentait déjà mauvais. Il était même pourri!
Enfin, ils se mirent d'accord d'emporter l'oeuf pourri sur la colline qui entourait le village afin de le faire rouler vers le centre de Rátót dont les habitants dénigraient le plus haut et fort leurs conseillers. Tous les habitants du village, du plus petit au plus grand, étaient dans la rue. Tout le monde voulut voir comment les mauvaises langues en prendraient pour leur grade. Les conseillers sortirent l'oeuf qui sentait très mauvais de loin. Quand ils se bouchèrent le nez tous, le juge prit l'oeuf sur la brouette et commença à le faire rouler. L'oeuf roula, roula vers le bas de la colline. En arrivant, il entra dans une aubépine. Il heurta une pierre quelconque, et se cassa en morceaux. Au même moment, un petit lapin sauta du buisson et les villageois hurlèrent à pleins poumons.
«Le poulain! Tiens! Il court, le poulain! Suivons-le!»
Ils coururent tous après le lapin. Seul le juge resta sur la colline.
Il constata qu'il était inutile de courir à toutes jambes pour rattraper la petite bête. Il soupira tristement:
«N'avais-je pas dit que le poulain bougeait déjà? Pourquoi n'avons-nous pas été plus patients? Pourquoi n'avons-nous pas couvé encore un ou deux jours ce sacré oeuf de poulain?»
Conte imaginé par Endre Stankowsky |
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai toujours été amateur des contes, légendes et mythes. Votre blog est fort sympathique.
Cordialement.
Merci Laurent, je suis contente que mon blog vous plaise. Ne perdez pas l'amour des contes et des légendes.
RépondreSupprimerCordialement
Andrea